Le progrès « incrémental » désigne l’amélioration continue des traitements pour mieux répondre aux besoins des patients, que ce soit en matière de tolérance, de sécurité, d’observance, ou de simplification du mode de prise, pour ne citer que ces exemples.
Le Cercle de réflexion de l’industrie pharmaceutique (CRIP), qui regroupe 17 laboratoires pharmaceutiques implantés en France, se dit « inquiet de l’approche adoptée par les autorités de santé » vis-à-vis de ce type de progrès, qui ne serait plus à ses yeux considéré à sa juste valeur. Epaulé par une analyse de la société internationale d’études et statistiques, IMS, réalisée par l’économiste Claude Le Pen, le CRIF juge en effet que depuis le début des années 2000, « les autorités de santé ont focalisé leurs évaluations sur la base de la prise en compte quasi-exclusive de l’efficacité, excluant de fait les critères de tolérance, de sécurité, d’absence de sevrage, d’observance ou même de prise en compte de risque à moyen ou long terme ».
Dans son étude, Claude Le Pen met en évidence le « tournant de 2004 » pris par la grille des niveaux d’ASMR (Amélioration du service médical rendu). Jusqu’à cette date, note-t-il, « la grille combinait deux logiques, une logique d’effet thérapeutique pour les niveaux d’ASMR I à III, et une logique de commodité d’emploi et d’observance pour le niveau IV ».
L’exemple d’un antalgique
Mais la réforme de cette grille a fait disparaître cette double logique au profit de la seule efficacité thérapeutique, note encore Claude Le Pen. De fait, la grille d’avant 2004 qualifiait l’ASMR de niveau IV « d’amélioration mineure en terme d’acceptabilité, de commodité d’emploi, et
d’observance ». Et concluait par « complément de gamme justifié ». Alors que la grille en vigueur aujourd’hui qualifie l’ASMR IV d’ « amélioration mineure en terme d’efficacité thérapeutique et/ou de réduction des effets indésirables ». Exit donc le critère de la commodité. Pour Claude Le Pen, la nouvelle grille « ne comporte qu’une seule dimension, l’efficacité thérapeutique et/ou la réduction des effets indésirables. Elle est donc devenue mono factorielle et tend à ne plus mesurer que la quantité d’effet ». L’économiste de la Santé cite le cas du Tramadol, un antalgique de palier 2 selon la définition de l’OMS : lancée en 1997, cette molécule n’a pas été reconnue comme apportant un bénéfice clinique significatif, « et n’a bénéficié que d’un succès commercial limité », indique l’économiste. Mais de nouvelles formes de cette molécule lancées en 1999, plus fortement dosées et à libération prolongée « ont été reconnues comme apportant un réel bénéfice clinique au patient (ASMR III) et sont largement utilisées aujourd’hui dans le traitement de la douleur. C’est bien l’amélioration galénique, une innovation typiquement incrémentale, qui a donné tout son sens à l’innovation plus radicale portée par la molécule originale ».
Le CRIP s’appuie donc sur cette étude pour affirmer que « la non-reconnaissance du progrès incrémental fait courir un risque aux patients français », en ce qu’elle risque de « priver les patients de nouveaux médicaments particulièrement utiles ». Ce cercle de réflexion
émet donc deux propositions. Il souhaite tout d’abord « que pour les pathologies où
l’efficacité est aujourd’hui une réalité, les critères de tolérance, de sécurité, de sevrage,
d’observance et de simplicité de prise soient évalués et reconnus ». Le CRIP souhaite également que « les médicaments dont le progrès incrémental sera ainsi
reconnu bénéficient du prix de référence de la thérapeutique considérée, indexée
sur l’inflation ».
Pour le CRIF, ces mesures permettront à l’industrie pharmaceutique « de poursuivre les programmes de Recherche et Développement sur les pathologies les plus fréquentes ».
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