Sous-titré « Stop aux statines et autres dangers », l’ouvrage du pneumologue retraité et ancien doyen de la faculté de médecine de l’hôpital Necker, livre des noms, notamment ceux de 6 cardiologues parisiens cumulant le plus de contrats avec l’industrie pharmaceutique (voir « Le Quotidien » du 10 septembre). Il fustige également certains traitements cardiovasculaires, les statines, qu’il estime inefficaces et dangereuses – son cheval de bataille depuis longtemps – mais aussi les antiagrégants plaquettaires (AAP) et les anticoagulants oraux (AOD).
Le Pr Philippe Gabriel Steg – tête de turc principale du Pr Even – a annoncé qu’il comptait porter plainte, avec au moins 3 confrères, contre le Pr Even. « Even est depuis de nombreuses années en conflit avec les cardiologues ; il a une dent particulière contre certains d’entre nous qui avons eu le tort de nous être élevés publiquement contre ses déclarations. Il avait fait savoir qu’il se vengerait. Nous y sommes, on savait que ça allait arriver », confie le Pr Steg. Dans son livre, il me cite plus de 100 fois. Donc je pense qu’on a dépassé les limites du débat scientifique pour entrer dans quelque chose de très personnel. »
Effet délétère sur les prescriptions
Comme la Société de cardiologie, le Pr Steg se dit inquiet des répercussions de ces allégations sur le comportement des patients. « Il a des affirmations proprement ahurissantes. On peut craindre que des patients en fibrillation auriculaire arrêtent de prendre leurs anticoagulants pour ne prendre que de l’aspirine – dont on sait que c’est un traitement très inférieur. On peut craindre que des personnes avec des stents arrêtent leurs AAP pour ne garder que l’aspirine, et fassent des thromboses de stents. Il aura donc des morts et des accidents graves sur la conscience, si tant est qu’il en ait une... »
Le praticien mentionne une étude épidémiologique menée l’année dernière par Le Pr Nicolas Danchin (lui aussi cible des attaques du Pr Even) suite à la publication de son dernier livre accablant les statines. Les résultats, publiés dans la revue « Archives of Cardiovascular Diseases », montraient un « effet Even » sur les prescriptions de statines en France.
Collaboration avec Big Pharma
Le cœur du débat repose cependant sur les accusations de collusion entre l’industrie pharmaceutique et certains universitaires. Le Pr Loïc Capron, président de la Commission médicale d’établissement de l’AP-HP, a confié au « Quotidien » que quoi que la méthode du Pr Even soit « épouvantable », « ce qui est intéressant dans ce livre, c’est la question qu’il pose, qui est pertinente. Je partage la plupart de ses interrogations. Philippe Even est ce qu’il est, on n’a pas besoin de répéter les casseroles qui lui traînent au derrière. On connaît le personnage, ça ne sert à rien de lui répondre œil pour œil, dent pour dent. Par contre, répondons-lui en examinant le pavé qu’il jette dans la marre. »
Le Pr Capron annonce le projet de mise en place très prochainement d’une task-force hospitalière et universitaire – conjointe entre l’AP-HP et les 11 facultés de médecine, pharmacie et dentisterie –, groupe de réflexion, de contrôle, et de renforcement de la réglementation. Cette semaine, a-t-il indiqué, les doyens des universités vont « répondre dans un communiqué au défi lancé par le Pr Even en expliquant que la coopération – et non la collusion – avec l’industrie pharmaceutique est nécessaire pour que l’hôpital universitaire accomplisse toutes ses tâches académiques de recherche et d’enseignement, donc il faut permettre que ça se fasse, mais avec un cadre garde-fou, pour éviter ce que dénonce Even », explique le Pr Capron. Le Pr Jean-Luc Dubois Randé, qui préside la conférence des doyens, confirme l’information, précisant au « Quotidien » : « La communauté est assez émue par la méthode douteuse qu’utilise [Philippe Even] pour régler ses comptes. Nous, comme Conférence des doyens, ne voulons pas intervenir dans cette affaire personnelle ».
Enfin, pour le Pr Gérald Simonneau, du service de pneumologie de l’Hôpital Bicêtre, les accusations du Pr Even et de « ses acolytes » ont un effet catastrophique pour la recherche en France : « Attention. À force de mettre au pilori toute la communauté scientifique qui travaille dans les essais et toute l’industrie pharmaceutique, à force de mettre tout le monde dans le même sac en France, on va à la catastrophe. Je vois déjà mes PU-PH, qui ont 40-50 ans, qui sont très brillants, qui se posent clairement la question de se s’en aller. »
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