Dans le petit monde de la grande pharmacie, l’heure est aux mariages de raison. Après la méga-fusion réalisée entre les américains Pfizer et Wyeth à la fin du mois de janvier dernier (Le « Quotidien » du 29 janvier), un autre industriel d’outre-Atlantique, Merck, vient en effet d’annoncer sa fusion avec son compatriote Schering-Plough. Selon les termes du communiqué des conseils d’administration des deux entités, Merck rachèterait son concurrent pour 41,1 milliards de dollars (32,4 milliards d’euros). Techniquement, la transaction s’effectuerait tout à la fois en actions (pour 56 % du montant total) et en numéraire pour 44 %. Pour le numéraire, Merck dispose de 7,7 milliards d’euros de liquidités, complétés par un prêt bancaire de 6,7 milliards d’euros. Un mariage qui intervient alors que le nouveau patron de Merck, Richard Clark, a reçu lors de sa nomination la mission de « donner une nouvelle impulsion » à cette firme après le feuilleton du Vioxx, un antalgique anti-inflammatoire non stéroïdien dont le retrait du marché avait en son temps fait perdre à l’action du groupre près de 40 % de sa valeur.
« Nous donnons naissance à un leader mondial solide dans le secteur des soins de santé, destiné à réussir et à générer une croissance durable », a indiqué Richard Clark. Ce dernier restera le PDG du nouvel ensemble, qui gardera le nom de Merck. « L'entité fusionnée profitera de perspectives de recherche et de développement formidables, d'un portefeuille de médicaments considérablement élargi et d'une présence plus étendue sur des marchés internationaux clefs, notamment les marchés émergents à forte croissance », a ajouté le PDG.
Reste que selon certains milieux financiers américains, tout ne serait pas entièrement joué. La firme américaine, Johnson & Johnson, longtemps sur les rangs pour acquérir Schering Plough n’aurait pas renoncé à ses ambitions, et envisagerait de surenchérir de 10 % par rapport à l’offre de Merck.
Conjoncture morose
Ces grandes manuvres surviennent alors que les grands groupes pharmaceutiques sont confrontés à une conjoncture morose : baisse des ventes, concurrence des génériques, politique de maîtrise des dépenses des gouvernements, et expiration prochaine de brevets de médicaments vedettes. Comme ne cesse de le répéter Christian Lajoux, président du LEEM (Les Entreprises du Médicament, organisation qui rassemble les dirigeants des firmes pharmaceutiques présentes en France), l’industrie pharmaceutique mondiale est confrontée à la nécessité de procéder à la révision de son modèle de développement. Merck n’échappe pas à cette nécessité. La firme devrait par exemple perdre en 2012 le brevet qui protège son médicament vedette, l’antiasthmatique Singulair (3,9 milliards d’euros de CA annuel), et le brevet du Cozaar (antihypertenseur) en 2010 (2,0 milliards d’euros de CA annuel).
La nouvelle entité issue de cette fusion aura de quoi faire, disposant dans son pipeline (portefeuille de produits en développement) de pas moins de 18 produits en phase III, c’est à dire près de la commercialisation. Son chiffre d’affaire 2008 (CA Merck + CA Schering-Plough) aura été de 37 milliards d’euros (contre 59 milliards pour Pfizer + Wyeth), et les économies attendues de ce regroupement sont de l’ordre de 2,7 milliards d’euros en rythme annuel. Le rapprochement Merck-Sgerin Plough qui pourrait se concrétiser au quatrième trimestre 2009, pourrait avoir pour conséquence la suppression de nombreux emplois. Les analystes économiques parlent aujourd’hui de la disparition de 16 000 postes, ce qui représenterait 15 % des effectifs du nouvel ensemble.
Le retour des fusions
La tendance semble donc se confirmer d’un retour à une politique tendancielle de fusions-acquisitions. L’économiste de la Santé Claude Le Pen assurait ainsi dans nos colonnes (« Le Quotidien » du 29 janvier dernier) que « la crise financière peut offrir des opportunités de rachat aux laboratoires pharmaceutiques qui disposent de beaucoup de cash pour financer ces opérations ». En France, Sanofi avait ouvert le bal en 2005 en se mariant avec Aventis. Mais le reste du tissu industriel pharmaceutique français est composé d’entreprises certes dynamiques et innovantes, mais de taille moyenne, qui hésitent pour la plupart à s’engager dans un procesus de fusions et acquisitions. Tout l’enjeu de ces prochaines années est maintenant de savoir si elles resteront ce qu’elles sont actuellement, ou si elles achèteront des concurrents, ou si encore elles seront elles-mêmes absorbées dans des structures plus larges. Certes, selon un analyste du monde de la pharmacie, « les tentatives antérieures mettent en évidence le fait que les fusions-acquisitions entre des entreprises européennes et américaines ne fonctionnent pas ». En irait-il de même entre deux entreprises françaises ou européennes ?
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