PAR LE PR ALAIN BERNARD* (service de chirurgie thoracique du CHU Dijon)
LE DISPOSITIF MÉDICAL reste largement méconnu du grand public – voire même des professionnels de santé qui les utilisent. Pour commencer, les dispositifs médicaux – ou DM – sont très différents des médicaments du fait de leur hétérogénéité et de leur population cible beaucoup plus limitée : là où un médicament peut être le traitement de 10 millions de Français, les DM visent parfois quelques milliers voire une centaine de patients. Cette catégorie va des défibrillateurs – avec des technologies sophistiquées – aux pansements, en passant par les prothèses de hanche. Autre grande différence par rapport aux médicaments : leur mise sur le marché. Pour obtenir ce sésame, un industriel qui développe un DM va devoir obtenir le marquage CE, marquage connu de tous car c’est lui aussi que doivent obtenir les fabricants de jouets ou d’appareils électroménagers. En fait, cela revient à autoriser la mise sur le marché des dispositifs sous la seule responsabilité du fabricant. Plusieurs auteurs pointent les insuffisances inquiétantes du marquage CE, et soulignent la pauvreté des preuves scientifiques. Ils dénoncent le principe que le marquage CE soit délivré par un organisme – dit « organisme notifié » – parfois privé et que l’industriel pourra librement choisir dans une liste fournie par la commission européenne.
Données cliniques peu précises.
Comment ne pas penser que les fabricants, clients de l’organisme notifié, vont naturellement porter leur choix vers l’organisme le moins exigeant ou bien le plus intéressant financièrement. Encore une différence essentielle avec le médicament, qui n’obtient sa mise sur le marché qu’après l’évaluation par une agence européenne.
Cependant, rassurons-nous ! Depuis mars 2010, une nouvelle directive européenne prévoit que des données cliniques devront être fournies pour obtenir le marquage CE ! Laquelle directive stipule que l’évaluation des effets indésirables et du caractère acceptable du rapport bénéfice/risque doivent être fondées sur des données cliniques. Cette directive constitue-elle pour autant un réel progrès pour les patients ? Nous pouvons en douter car à la lecture des termes de la directive, les données cliniques à fournir restent peu précises et chaque organisme délivrant le marquage CE aura tout loisir de l’interpréter à sa manière, sachant qu’une série de quelques patients peut être considérée comme des données cliniques. À aucun moment il ne sera exigé une étude valide scientifiquement pour la démonstration de l’intérêt thérapeutique du nouveau DM !
En France un grand nombre de DM sont utilisés dans les établissements de santé avec ce seul marquage CE sans autre exigence, notamment grâce au mode de financement actuellement en vigueur. À peine 10 % des DM mis sur le marché sont évalués par la commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDIMTS) appartenant à la HAS.
La France doit prendre l’initiative.
Les acteurs qui participent à l’organisation des soins, à la mise sur le marché et aux modes de financement des DM ne devraient pas perdre de vue qu’un DM est destiné à être implanté ou utilisé sur des patients à des fins thérapeutiques.
Une première piste d’amélioration se situe au niveau de l’Europe. Elle pourrait proposer une autorisation centralisée de mise sur le marché pour tout nouveau DM. Cela risque de prendre encore du temps avant d’obtenir une position commune des 27 pays membres. En attendant, la France pourrait devenir moteur de la qualité des soins en proposant une évaluation validée de l’efficacité des nouveaux DM sous l’égide de la HAS.
Pour ceux qui ne seraient pas convaincus ou conscients que la recherche de la qualité doit s’imposer aux dispositifs médicaux, qu’ils se posent la question de la possibilité d’une affaire comme le « Mediator » dans l’univers des DM ? Car la réponse serait « oui » si nous ne modifions pas rapidement l’accessibilité aux marchés hospitaliers. Et même si le nombre de patients atteints sera plus limité, il sera impossible aux pouvoirs publics de ne pas en assumer l’entière responsabilité.
*Vice-président de la commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDIMTS) au sein de la Haute Autorité de Santé (HAS).
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation