Comme beaucoup de mes collègues médecins, universitaires ou non, j’ai été consterné par les différents articles de presse relatant avec délectation les propos injurieux du Pr Even tirés de son dernier livre. Traiter nombre de nos plus brillants collègues cardiologues de « putains académiques » ou de cardiologues corrompus, au seul motif qu’ils travaillent avec l’industrie pour le développement de nouveaux médicaments, est intolérable et incompréhensible, alors qu’ils ne font que remplir une de leur mission.
Certes on connaît le personnage, brillant tribun, qui s’est plus illustré par les articles à scandale dans la presse grand public que par sa contribution scientifique. Je ne parlerai même pas de ses découvertes plutôt controversées telles que l’absence de danger du tabagisme passif, le traitement du sida par la ciclosporine ou l’absence d’efficacité des statines, des anticoagulants et des antiplaquettaires.
Généralement, tout ce qui est excessif est dérisoire, mais là il y a danger, danger que les patients arrêtent des traitements efficaces, danger de dégradation de la relation médecins-malades, danger que s’installe à tous les niveaux la suspicion.
Attaques odieuses et propos révoltants
Je suis surpris que devant ces attaques odieuses, ces propos révoltants, les tutelles de nos collègues cardiologues n’aient pas émis le moindre signal de solidarité et d’indignation. Seuls pour l’instant, la Société française de cardiologie (SFC), le LEEM et l’Ordre ont réagi.
Le plus inquiétant et le plus grave à mes yeux est que cette agression généralisée sans aucun discernement visant l’industrie et les experts ne se limite pas au Pr Even.
En effet, Irène Frachon dans un article récent du « Monde » attaque avec une violence inouïe (la grossièreté en moins) l’industrie pharmaceutique dans son ensemble et les experts scientifiques, tous corrompus sans s’en apercevoir.
Cela a touché profondément les médecins de notre service, car nous avons bien connu Irène Frachon. Elle a été formée à la fin de son internat dans notre centre Maladies rares pour la prise en charge des hypertensions pulmonaires. Puis, dans le cadre du Réseau français de l’hypertension pulmonaire, elle a assisté et contribué à la mise sur marché de médicaments efficaces ayant transformé le pronostic de cette maladie grave, et ce grâce à la collaboration des experts, de l’industrie et des associations de patients. Elle a suivi ensuite avec intérêt en 1996 notre première bataille contre les laboratoires Servier pour faire retirer du marché l’Isomeride®. En 1999, j’ai informé l’AFSSAPS (rapport IGAS) qu’un cas d’hypertension artérielle pulmonaire associé à la prise de Mediator® avait été identifié dans notre centre de référence et que cette molécule était une copie quasi conforme de l’Isomeride®. Elle a par la suite pris le relais avec volonté et persévérance, réussissant à démontrer que cette drogue était également nocive pour les valves cardiaques et a fini par faire retirer du marché cet « Isomeride-like » en 2009.
Malheureusement, après ce travail louable et que l’on respecte toujours, emportée dans un tourbillon médiatico-politique incontrôlable, sa cible s’est élargie pour s’en prendre à l’industrie pharmaceutique dans son ensemble et à tous les experts qui sont par définition des « collabos ». Cela est grave car le risque majeur est de voir le développement des médicaments innovants se faire en dehors de notre pays, avec le désengagement de l’industrie pharmaceutique en France et le départ de nos meilleurs experts universitaires à l’étranger. Ainsi, nos malades ne pourront plus bénéficier précocement des innovations thérapeutiques.
Il est évident que des règles d’éthique strictes doivent être suivies par les industriels, les experts, ainsi que bien sûr par les autorités de santé dont le rôle a été si néfaste dans l’histoire du Mediator®. Toutefois, l’amalgame du « tous pourris » visant à discréditer toute une industrie et l’ensemble des experts scientifiques est inacceptable, dangereux et destructeur.
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