Scandale « Implant Files » : des organismes de certification aux médecins, la défaillance à tous les étages

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Publié le 26/11/2018
implants files

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Crédit photo : S. Toubon

L'enquête internationale « Implant Files » réalisée par 59 médias de 36 pays, publiée dimanche, dénonce les lacunes du contrôle des implants médicaux en Europe, notamment en France, pointe du doigt des incidents de plus en plus nombreux, difficiles à quantifier et à identifier. Le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), à l'origine de l'enquête, comprend plusieurs médias français : « le Monde », Radio France et Premières Lignes (producteur de l'émission « Cash Investigation »).

Aux États-Unis, qui disposent d'un recueil de déclarations via une base de données, ces incidents auraient causé 82 000 morts et 1,7 million de blessés en dix ans, et auraient été multipliés par cinq, selon les estimations de l'ICIJ. Medtronic est particulièrement montré du doigt. Ses dispositifs seraient liés à 9 300 décès et 292 000 blessures entre 2008 et 2017 aux États-Unis, d'après des rapports faits auprès des régulateurs américains, l'an dernier. Un incident sur cinq secondaires à la pose d’un implant médical était lié à un produit de Medtronic, plus du double que pour tout concurrent de la société.

En France, selon les chiffres de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui tient un répertoire des signalements de matériovigilance, le nombre d'incidents liés à ces implants aurait doublé en dix ans, avec plus de 18 000 cas en 2017 et environ 158 000 incidents en dix ans, selon « le Monde ». En Europe, la mise sur le marché des dispositifs médicaux comme les DIU répond aux (faibles) exigences d'un marquage CE.

Tout a commencé par des mandarines

Ce fut d'ailleurs le point de départ de la vaste enquête de l'ICIJ : la journaliste néerlandaise Jet Schouten a découvert avec stupeur que le dossier fictif qu'elle avait monté pour obtenir un marquage CE pour une mèche vaginale, en réalité un filet de plastique prévu pour contenir des mandarines, pouvait obtenir le fameux sésame des organismes de certification. Un nouveau règlement européen s'appliquera à partir de 2020, sa principale mesure : les fabricants de dispositifs médicaux seront désormais légalement responsables de la production de leurs sous-traitants, et tenus d'organiser des audits réguliers.

Les données resteraient globalement très incomplètes et souvent confidentielles, selon l'enquête, rendant impossible de dénombrer avec précision les incidents et de connaître la marque et le modèle des implants posés, et donc de retrouver les patients en cas de problème. En France, « le nombre global » de dispositifs commercialisés n'est ainsi « pas approchable », reconnaît Jean-Claude Ghislain, directeur pour les situations d'urgence, les affaires scientifiques et la stratégie européenne à l'Agence du médicament ANSM, cité par « le Monde ».

Problème de traçabilité hospitalière

Dans les hôpitaux, les bonnes pratiques de traçabilité ne sont pas non plus de mise. Selon le code de la santé publique, une liste des dispositifs médicaux stériles préconisés doit être établie dans chaque établissement par la commission médicale d'établissement ou la conférence médicale d'établissement, ainsi qu'une procédure décrivant les modalités d'enregistrement de la traçabilité sanitaire des DMI. Selon l'enquête nationale sur l’organisation de la traçabilité sanitaire des dispositifs médicaux implantables dans les établissements de santé menée par la DGOS en 2014, ces documents n'existent que dans respectivement 65 et 64 % des établissements. En outre, seulement 45 % des établissements disposent d'un document type de traçabilité à remettre au patient, comme le CSP l'exige.

La même enquête avait révélé que 18 % des pharmacies à usage intérieur déclarent ne pas tracer les numéros de lot des DMI avant la livraison aux services utilisateurs. Ces derniers n'enregistrent la pose que dans 33 à 42 % des cas. Dans ses conclusions, la DGOS préconisait la mise en place d'un « référent traçabilité sanitaire » dans chaque unité de soin et la réalisation de contrôles réguliers (suivi continu des données, inventaires périodiques, audits des services utilisateurs). La DGOS formulait en outre un certain nombre de recommandations concernant le système d'information hospitalière.


Source : lequotidiendumedecin.fr