« L’EMA [Agence européenne du médicament] vit une révolution », a assuré le Pr Dominique Maraninchi, directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), au cours d’une table ronde sur la santé en Europe. De fait, l’agence européenne ne se limite plus au seul enregistrement des produits. Via le comité de pharmacovigilance et d’évaluation des risques (PRAC), elle a pour mission d’en assurer le suivi après commercialisation. Ce rôle de vigie, instauré à la suite des crises sanitaires, doit s’accroître avec le développement de la médecine personnalisée. Et la remontée des alertes, pour être significative et efficace, ne pourra se faire qu’au niveau européen.
Juge et partie.
Indispensables, les rouages européens de la pharmacovigilance ne sont pourtant pas irréprochables. « Il y a toujours un déséquilibre entre les moyens pour les procédures d’enregistrement et ceux alloués à la remise en cause d’un médicament en vie réelle », analyse Dominique Maraninchi.
Les députés de leur côté gardent en mémoire les liens d’intérêts pas si lointains au sein de l’EMA. L’affaire Mediator, en particulier, a marqué les esprits. « Avant les directives de 2010-2012, les mêmes experts décidaient des autorisations de mises sur le marché et contrôlaient le médicament. C’est être juge et partie », lance Michèle Rivasi, eurodéputée Europe Écologie les Verts (EELV). « Avant les premières alertes en France en 1999, des praticiens italiens avaient saisi la Commission européenne sur le médicament humain. Or son président était en même temps à l’AFSSAPS (l’ex Agence du médicament)», retrace Gérard Bapt. « Il y a aussi Éric Abadie, conseiller de l’AFSSAPS, et responsable des effets secondaires à l’EMA ! » enchérit Michèle Rivasi.
Au-delà de la prévention des conflits d’intérêt, la circulation rapide des informations sur la sécurité des médicaments à l’échelle continentale est devenue un impératif. L’eurodéputée déplore que Servier ait pu légalement retirer le Mediator d’Espagne et d’Italie à partir de 2004 sans que les autres États membres soient prévenus.
La santé, domaine régalien.
Les choses progressent pas à pas. L’Agence européenne du médicament s’est engagée à publier les liens d’intérêt et les résultats des études cliniques. Et en octobre 2013 entrera en vigueur une procédure d’urgence automatique au niveau européen, en cas de retrait du marché d’un médicament par un État membre.
« Les outils sont là. Le problème, ce sont les gens et les moyens qu’ils ont à leur disposition », résume Corinne Lepage, eurodéputée, présidente de Cap21. Elle tacle en particulier l’EFSA (autorité européenne de sécurité des aliments), une « catastrophe ambulante, qui a recours à des experts bourrés de conflits d’intérêt ».
Mais pas question d’abandonner toute la pharmacovigilance à l’Europe... Experts et députés appellent au contraire à un contre-pouvoir de la part des États membres. Et la France a un rôle à jouer. Perturbateurs endocriniens, affaire PIP, pilules de troisième et quatrième génération, Diane 35, prothèses Ceraver... « Les scandales sont identifiés en France, et non en Allemagne ou en Grande-Bretagne où les labos sont omniprésents », relève Michèle Rivasi. « La santé doit rester du domaine régalien », ajoute Gérard Bapt. Aucun cocorico pour autant. Yves Charpak, médecin de santé publique, ancien conseiller à l’OMS, relativise le poids de l’Hexagone sur ces questions. « Les Français sont absents des instances de partage et de décision. Nous avons un problème de culture ».
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