La prise en charge médicale des fausses couches précoces (FCP) n'est pas encore optimale, avec des échecs relativement fréquents nécessitant de recommencer une 2e fois le protocole ou d'avoir recours à l'aspiration utérine.
Des gynécologues américains concluent dans « The New England Journal of Medicine » chez 300 femmes que l'association de mifépristone (200 mg, par voie orale) et de misoprostol (800 μg par voie vaginale) est plus performante que le misoprostol seul (800 μg par voie vaginale).
Actuellement, « le misoprostol est largement utilisé dans la prise en charge de la fausse couche du premier trimestre que ce soit en France ou dans de nombreux pays », a fait état la Haute Autorité de santé (HAS).
Accès au misoprostol en France
Ces derniers mois, une polémique a agité la prise en charge des FCP avec l'arrêt de commercialisation du Cytotec en mars 2018 en France, la spécialité de loin la plus utilisée jusque-là mais hors AMM. Afin d'assurer un relais dans l'indication - seule une spécialité à délivrance hospitalière, le Cevagem ovule (gemeprost) était autorisée jusque-là et peu utilisée - l'ANSM et la HAS ont accordé une recommandation temporaire d'utilisation (RTU) au MisoOne et Gymiso, qui ont l'AMM dans l'interruption médicale de grossesse (IVG) médicamenteuse.
Or en pratique, l'utilisation de ces deux spécialités, dont la délivrance en officine est réservée aux médecins sur présentation d'une commande à usage professionnel, complique les choses. En ville, les médecins installés sont contraints d'assurer un stock au cabinet mais aussi de remplir des formulaires pour le suivi obligatoire des patientes.
À l'hôpital, c'est le prix qui pose problème, « près de 20 fois plus cher », s'est insurgé le Collège national des gynécologues obstétriciens français (CNGOF) dans une lettre adressée à la ministre de la Santé.
Si, par rapport aux deux autres options dans les FCP que sont l'expectative et l'aspiration, « la prise en charge médicale est largement souhaitée par les femmes », écrivent les auteurs, le taux d'échec initial après une première dose est estimé dans la publication entre 15 à 40 %.
La mifépristone, commercialisée sous le nom de Mifégyne en France, et indiquée en association au misoprostol dans les interruptions médicales de grossesse (IVG) avant 7 semaines d'aménorrhée, pourrait améliorer le taux de réussite de la prise en charge médicale des FCP. La molécule abortive « prépare le myomètre et le col à l'activité des prostaglandines », expliquent les auteurs.
Meilleure efficacité, moindre coût
Dans cette étude, le prétraitement par mifépristone per os était suivi environ 24 heures plus tard de misoprostol par voie vaginale. Les participantes étaient revues pour évaluation (avec écho) 1 à 4 jours après le misoprostol. En cas d'échec, les femmes pouvaient choisir entre une 2e dose de misoprostol ou une aspiration. Le critère principal de jugement était l'expulsion du sac gestationnel après une seule dose lors de la première visite de suivi.
Une expulsion complète après une seule dose de misoprostol était constatée dans 83,8 % des cas (n = 124/148) par rapport à 67,1 % (n = 100/149) dans le groupe misoprostol seul. Le recours à l'aspiration était moins élevé dans le groupe mifépristone + misoprostol par rapport au misoprostol seul, respectivement de 8,8 % par rapport à 23,5 %. Le recours à une transfusion sanguine pour saignements était de 2 % dans le groupe mifépristone + misoprostol (2 %) et de 0,8 % dans le groupe misoprostol seul.
Des freins réglementaires
Pour le Pr Christophe Vayssière, gynécologue-obstétricien au CHU de Toulouse, « c'est une étude très intéressante, à la fois pour les femmes avec une meilleure efficacité mais aussi du point de vue médico-économique ». Dans un éditorial, le Pr Carolyn Westhoff de la faculté de médecine Columbia (New-York) souligne l'économie de coût potentiel d'un traitement plus rapide (moins de consultations, moins de contrôle d'imagerie, moins d'aspirations).
Cette étude met aussi l'accent sur l'intérêt de la voie vaginale. En France, c'est aussi la prise de 800 μg par voie vaginale, éventuellement renouvelée après 24 à 48 heures, qui est recommandée par le CNGOF. Or « dans le cadre de la RTU, sous la pression des laboratoires et de l'ANSM, c'est la voie orale qui est préconisée pour les deux spécialités à 400 μg », regrette Christophe Vayssière, qui a annoncé utiliser la voie sublinguale, « a priori plus proche de la voie vaginale en termes d'efficacité ».
En pratique, si ce protocole séduisant était retenu à l'avenir, son application pourrait être freinée par le cadre réglementaire actuel. « La mifépristone doit être pris en présence d'un médecin sans aucun argument scientifique pour le justifier », relève Christophe Vayssière. En ville, la délivrance de la mifépristone est réservée en officine aux médecins sur présentation d'une ordonnance à usage professionnel et après avoir signé une convention avec un établissement de santé. De plus, « la HAS recommande la prise de 3 comprimés dans l'IVG, quand un seul suffit d'après toutes les sociétés savantes, souligne Christophe Vayssière. En sera-t-il de même pour les FCP ? ».
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