Dans un contexte de fortes tensions immédiates sur le système de santé (crise des urgences, pénurie médicale) mais aussi avec la nécessité de se projeter à long terme, l'Assurance-maladie contient sa politique d'austérité… tout en réclamant des efforts ciblés. Malgré un déficit post-Covid historique à 26 milliards d'euros (2021), elle table dans son traditionnel rapport dit « Charges et produits » sur 1,2 milliard d'euros économies pour 2023, un montant en légère hausse comparé aux deux années précédentes (1,07 milliard l'an passé, 1,05 milliard il y a deux ans). Ce rapport est remis au gouvernement et au Parlement en vue de préparer le prochain budget de la Sécurité sociale (PLFSS 2023).
Après avoir tiré les enseignements de la crise sanitaire, la Cnam a choisi cette année une méthode différente, en axant sur la prévention, une approche par pathologies et en se projetant dans une perspective pluriannuelle.
Des pathologies et des populations
Grâce à son nouvel outil « data pathologies » – présenté il y a deux semaines – la Cnam prend le parti d'une approche résolue par pathologies (pour 136 millions d'euros d'économies) en mettant l'accent sur l'insuffisance cardiaque, le diabète et la santé mentale. Autre axe, la stratégie dite « populationnelle » axée sur la maternité et la petite enfance (25 millions attendus).
Sur le diabète, la Cnam constate une concentration de la dépense très importante sur une petite catégorie de patients, au stade le plus critique de la maladie. Pour éviter qu'ils ne progressent d’une catégorie à l’autre, la Sécu souhaite déployer les innovations connectées et la télésurveillance pour les patients diabétiques, ou encore ouvrir le service Sophia en ligne aux patients diabétiques. Concernant l'insuffisance cardiaque, outre une campagne de communication, elle entend amplifier le déploiement du service de retour à domicile Prado, créer des équipes de soins spécialisées en cardiologie pour couvrir tout le territoire, et généraliser la télésurveillance pour les patients sévères (300 000 personnes) et ainsi éviter les hospitalisations.
Dans une approche de santé publique « populationnelle », la Cnam souhaite agir sur la maternité et la petite enfance, où se créent beaucoup d'inégalités de santé, qui génèrent des dépenses. Outre l'amélioration de l'accompagnement des femmes pendant la grossesse (pour agir sur la consommation de tabac ou prévenir la dépression du post-partum), elle veut améliorer le suivi des enfants, notamment dans les départements les plus défavorisés. Parmi les mesures recommandées : le repérage « systématique » des troubles visuels et du langage dès trois ans par les orthophonistes et les orthoptistes en milieu scolaire, et faire de « Mon espace santé » le carnet de santé numérique de l’enfant, où seraient dématérialisés les comptes rendus des vingt examens obligatoires.
Gros effort réclamé à la biologie
Le bloc habituel « efficience et pertinence » est le plus significatif puisqu'il représente 754 millions d'euros d'économies potentielles. Si la Cnam mise, là encore, sur une stratégie de prévention sur le long terme (prévention de l'obésité, couverture vaccinale, application Tabac info service), elle table aussi sur des économies directes dont 180 millions rien que pour la biologie médicale.
Ce secteur, qui s'est très fortement concentré depuis une quinzaine d'années, atteint des « niveaux de rentabilité élevés », encore plus depuis le Covid (23 % en 2020), et son chiffre d'affaires est passé de 5,1 milliards en 2019 à 9,4 milliards d'euros en 2021… Dans ce contexte, l'Assurance-maladie prévoit de définir « une nouvelle stratégie » pour cette spécialité et a prévu d'entamer un cycle de négociations à la rentrée avec les biologistes médicaux – et donc de réguler activement les tarifs de façon pluriannuelle. Nul doute que les négos s'annoncent tendues avec la biologie médicale.
Sur le volet médicaments (149 millions espérés), les enjeux se situent notamment sur les biosimilaires et la lutte contre l'antibiorésistance. La Cnam entend accroître la pénétration des biosimilaires, promouvoir le bon usage de l'antibiothérapie mais aussi la dispensation adaptée (pansements, compléments nutritionnels oraux).
Concernant les efforts sur les actes (112 millions d'euros), la caisse envisage de relancer les travaux sur la pertinence des soins en imagerie médicale (limiter les examens inutiles, travail sur le mésusage des produits de contrastes). Autre idée : améliorer la pertinence des prescriptions d'examens pré-anesthésiques pour les actes de chirurgie mineure.
Côté indemnités journalières (IJ), poste toujours dynamiques avec 13,8 milliards en 2021, un plan d'action sur la pertinence des arrêts de travail – notamment en santé mentale, défini avec le Collège de médecine générale (CMG) – est prévu, avec l'objectif de 74 millions d'euros. 94 millions sont attendus sur les transports.
Objectif doublé sur les fraudes !
Enfin, l'Assurance-maladie mise cette fois sur 300 millions d'euros d'économies sur les contrôles et la lutte contre les fraudes (soit le double de l'an dernier et un quart des économies totales). La Cnam ambitionne de mieux sécuriser la facturation des professionnels de santé libéraux, mieux détecter les anomalies de facturation ou encore bloquer les associations d'actes incompatibles. Ce point devrait être abordé dans les discussions de la prochaine convention médicale, avec un travail aussi, côté Cnam, pour simplifier les démarches et pièces justificatives.
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