Le 19 décembre 1967, le député Lucien Neuwirth faisait adopter par l'Assemblée nationale une loi autorisant la vente et l'usage des méthodes contraceptives (leur remboursement est entériné en 1974). Cinquante ans plus tard, la pilule reste la méthode la plus utilisée en France (36,7 % selon les derniers chiffres de Santé publique France). Ce modèle est pourtant loin d'être une fatalité, illustre le numéro de novembre de « Population & Sociétés », de l'Institut national d'études démographiques, en portant le regard ailleurs, dans l'espace, et dans le temps.
La stérilisation, méthode la plus utilisée dans le monde
Au niveau mondial, c'est la stérilisation, sur le corps des femmes le plus souvent, qui est la méthode la plus utilisée chez celles qui ont recours à la contraception (là encore, cette norme varie ; moins de 50 % des Irakiennes, Mozambicaines ou Burkinabées utilisent une méthode contraceptive). La stérilisation concerne 54 % des femmes d'âge reproductif en union au Mexique, 43 % aux États-Unis, 39 % en Chine, 32 % au Brésil, 20 % en Espagne… et 5 % en France. Les méthodes au long cours (implants, dispositif intra-utérin) arrivent en deuxième position ; le stérilet représente la contraception la plus courue en Chine (48 %) ou dans les territoires palestiniens (46 %). Puis vient la pilule, prisée en Algérie (75 %), en France, au Brésil (43 %), délaissée au Mexique (4 %) ou en Chine (1 %). Le recours non négligeable à des méthodes alternatives comme l'injection hormonale (Kenya, Mozambique, Pérou) ou la stérilisation masculine en Espagne remettent encore en cause l'immuabilité de notre modèle français. Qui est lui-même le produit d'une histoire et d'un contexte social, soulignent les auteures Mireille Le Guen et coll.
Des petits arrangements de couple, à la médicalisation
En France, la première révolution contraceptive date du XVIIIe siècle, lorsque les couples cherchent à maîtriser leur descendance, en recourant la méthode du retrait. La natalité française décroît, mais les natalistes redonnent de la voix, si bien qu'après la Première Guerre mondiale, dans un contexte de peur de la « dépopulation française », le Parlement vote la loi du 21 juillet 1920, interdisant la propagande et la vente de procédés anticonceptionnels.
Les années 1970 marquent la seconde révolution contraceptive, avec la loi Neuwirth, qui abroge celle de 1920, et l'arrivée des méthodes dites « modernes, c'est-à-dire médicales à haute efficacité théorique ». La pilule qui permet aux femmes de gérer elles-mêmes leur fécondité, devient le symbole de leur émancipation et de la libération sexuelle (comme l'expliquait dans nos colonnes Cécile Ventola, co-auteure de cet article). Elle supplante assez rapidement le DIU, les médecins français le déconseillant chez les nullipares. Les discussions autour de la contraception ne sont plus circonscrites à l'intime, entre partenaires ; elles s'installent dans le cabinet médical, au cœur de la relation entre la femme et son gynécologue.
Les années 1980 et l'épidémie du sida complexifient ce modèle contraceptif centré sur la pilule, en légitimant le recours au préservatif masculin en début de vie sexuelle et lors des rapports avec un nouveau partenaire. Si bien qu'aujourd'hui la norme contraceptive attribue aux femmes une méthode selon leur âge et leur situation relationnelle : préservatif, pilule en couple stable, puis DIU après les enfants. « Cette norme limite la possibilité de choisir le contraceptif qui leur convient » et renforce la responsabilité de la femme dans la contraception, commentent les auteures.
Vers le partage de la responsabilité contraceptive
La « crise des pilules » de 2012 rebat les cartes en modifiant l'image sociale de la pilule, que les jeunes générations ne voient plus comme un symbole de l'émancipation féminine. Même si elle reste la plus utilisée, surtout chez les moins de 20 ans, les femmes de 20 à 30 ans se sont tournées davantage vers le DIU ou le préservatif. La controverse a donné « les moyens aux femmes qui n'en étaient pas satisfaites de changer de méthode » et a souligné l'importance de l'information et du choix des femmes, analyse l'article. Autre conséquence, la controverse interroge la responsabilité masculine en matière de contraception, qui repose depuis 50 ans sur les femmes. Et sonne une nouvelle étape, concluent les auteures : celle du partage plus égalitaire de la responsabilité contraceptive.
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