Quel avenir pour l'aide médicale d'État (AME) et la protection sociale des demandeurs d'asile ? L'Assemblée nationale va discuter notamment de ces sujets dans le cadre du débat ouvert ce lundi par le gouvernement sur la « politique migratoire de la France et de l'Europe ». La discussion se poursuivra au Sénat mercredi.
La majorité a reçu une synthèse précisant les axes de travail tracés par l'exécutif. L'un des sujets porte sur les prestations sociales accordées aux étrangers comme l'AME et la protection universelle maladie (PUMa). « La France doit, à l'évidence, soigner tous ceux qui résident sur son territoire mais elle ne doit être ni plus, ni moins, attractive que ses voisins », a cadré le Premier ministre Édouard Philippe, dès l'ouverture du débat. L'exécutif envisage des évolutions de ces dispositifs.
L'AME et la PUMa, quèsaco ?
L'aide médicale d'État (AME), créée en 2000, assure aux étrangers en situation irrégulière (sans carte de séjour, ni en demande de carte de séjour), le bénéfice d'un accès aux soins sans avance de frais. Elle donne droit à la prise en charge à 100 % de soins médicaux et hospitaliers dans la limite des tarifs Sécu. Ce panier de soins exclut les cures thermales, l'AMP ou les médicaments remboursés à 15 %.
Elle est attribuée sous conditions de résidence – le demandeur doit être présent sur le territoire depuis au moins trois mois – et de plafond de ressources. Elle est accordée pour une année, avec possibilité de renouvellement.
La protection universelle maladie (PUMa), créée en 2016, remplace la CMU de base. Elle permet à toute personne qui travaille ou réside en France depuis au moins trois mois de manière stable et régulière d'être couverte par l'assurance-maladie et d'avoir une prise en charge des frais de santé (consultations médicales, médicaments, examens médicaux, etc.). Elle est valable pour les étrangers ayant déposé une demande d'asile ou de séjour (sous justification). Elle est accordée pour un an, renouvelable.
Combien coûte l'AME en France ?
Selon les dernières données du ministère de la Santé, l'AME a coûté 848 millions d'euros en 2018 (pour 318 000 personnes titulaires) et devrait représenter 934 millions en 2019, soit 0,5 % des dépenses de l'assurance-maladie. « Cette hausse est liée à l'augmentation du nombre de bénéficiaires mais aussi, à un moindre degré, à l'augmentation du coût de prise en charge des soins, a expliqué ce lundi Agnès Buzyn, ministre de la Santé. Même si en 10 ans, l'augmentation du coût de l'AME par bénéficiaire connaît une hausse 0,5 % par an cela reste mesuré et inférieur à l'augmentation du coût de la santé pour la population générale. »
À noter également, que la fraude à l'AME représente à 0,37 % du montant total des fraudes 2018, soit 540 000 euros, d'après la CNAM.
Pourquoi l'AME et la PUMa sont-elles dans le viseur du gouvernement ?
Le gouvernement veut éviter les « excès et abus » liés aux aides. Si Emmanuel Macron a écarté l'idée d'une suppression pure et simple de l'AME, l'exécutif s'interroge sur la pertinence du panier de soins offert. Et souhaite au minimum une évaluation. Un rapport des inspections générales des finances et des affaires sociales, mandatées cet été par le gouvernement, doit évaluer le dispositif de l'AME afin de proposer fin octobre des pistes d'amélioration.
D'autre part, les demandes d’asile sont en progression (123 625 demandes en 2018, soit +22 %). La Géorgie et l'Albanie représentent deux des trois pays ayant formulé le plus de demandes d'asile en un an. Le gouvernement qui craint un dévoiement s'interroge sur les critères d'affiliation à la PUMa. « Trop de demandeurs d'asile en provenance de pays d'origine sûrs sont en réalité davantage motivés par les conditions d'accès à notre système de santé et par la longueur de nos procédures », a expliqué le Premier Ministre au « Journal du Dimanche ».
Des restrictions d'accès sont-elles envisagées ?
Concernant l'AME, le gouvernement affiche sa volonté de réforme. Deux pistes sont étudiées : l'une consisterait à subordonner à un accord préalable l'accès à certaines prestations en dehors des soins urgents ou vitaux. La deuxième piste vise à ajuster le périmètre du panier de soins « AME ».
Agnès Buzyn a déjà posé ses conditions. Elle ne retiendra pas « toute solution reposant sur une participation financière (franchise, droit de timbre) des personnes admises à l'AME car cela constituerait un obstacle trop important pour l'accès aux soins », a-t-elle déclaré ce lundi. En revanche, les contrôles d'éligibilité à l'AME devraient être renforcés et un plan de lutte contre les fraudes déployé pour éviter le détournement des procédures, a annoncé la ministre.
Concernant cette fois les demandeurs d'asile en provenance des pays sûrs* et l'octroi de la PUMa, Agnès Buzyn a précisé qu'une enquête était en cours. Le gouvernement pourrait introduire une période de carence de trois mois pour les soins non urgents.
* Un pays sûr signifie que l'état n'est pas une menace pour sa population et où il existe un système juridictionnel performant garant l'état de droit.
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