Au Mans, les infirmiers en renfort pour un suivi à domicile des patients âgés ou invalides

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Publié le 10/11/2020
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Le médecin de la MSP se déplace moins souvent mais l’infirmier(e) du patient assure un suivi mensuel

Le médecin de la MSP se déplace moins souvent mais l’infirmier(e) du patient assure un suivi mensuel
Crédit photo : PHANIE

« Le départ à la retraite d'un médecin de la maison de santé pluriprofessionnelle qui faisait beaucoup de visites auprès de ses patients âgés nous a poussés à réfléchir pour modifier nos pratiques, raconte le Dr Véronique Jaguelin, généraliste au Mans et présidente de la MSP Desaix. L'objectif est de réduire la fréquence de déplacement des généralistes tout en conservant une bonne qualité de suivi et une meilleure coordination avec les infirmiers à domicile. » 

Avec deux autres médecins de la structure, l'équipe a élaboré un projet innovant (au titre des expérimentations article 51), validé il y a un an par l'ARS Pays de la Loire. Dans cette ville qui n'échappe pas à la désertification médicale, le principe est de tester un suivi coordonné de proximité entre les médecins traitants de la structure et les infirmiers libéraux du secteur pour les patients âgés ou/et en situation de handicap ne pouvant se déplacer. Selon le protocole, une première visite d'inclusion à domicile est réalisée en présence du médecin traitant, de l'infirmier référent et de l'aidant habituel. Ce contact permet à l'équipe de choisir les items du plan de soins personnalisé et le rythme de passage du médecin le plus opportun en fonction des critères médicaux, environnementaux et sociaux. 

Ainsi, le médecin de la MSP ne se déplace plus au domicile tous les mois ou deux mois mais une ou deux fois par an. Mais dans l’intervalle, c’est l’infirmier qui assure un suivi mensuel adapté (à l'aide d'une grille) et informe le médecin de son passage par messagerie sécurisée. À l'infirmier de repérer l'émergence de problèmes médico-sociaux, l'apparition de symptômes et d'évaluer l'évolution de l'autonomie. S'il n'y a pas de modification, le médecin traitant valide la poursuite de la prise en charge. Le praticien peut être sollicité à tout moment pour un avis, adapter la conduite à tenir ou rédiger une ordonnance. En cas de dégradation de l'état de santé, l’infirmier contacte le praticien pour une visite à domicile. L'expérimentation porte sur une file active de 175 patients.

Activité chronophage

Depuis le démarrage du projet en janvier 2020, la structure a déjà pu inclure une soixantaine de patients. En matière de rémunération, le cahier des charges prévoit un forfait global annuel par patient ainsi réparti : 125 euros pour le médecin (50 euros pour la visite initiale conjointe + 75 euros au titre de la coordination annuelle pour l'analyse des résultats, le renouvellement d'ordonnance, la prise de rendez-vous auprès d'un spécialiste), 300 euros pour l’infirmier (incluant dix visites) et 25 euros pour le secrétariat. Les années suivantes, le médecin touchera 105 euros par patient suivi, l'infirmier 320 euros. Au total, 78 750 € seront mobilisés annuellement sur le fond pour l'innovation du système de santé (FISS), soit 236 250 euros sur trois ans pour la file active. « Nous avons porté ce projet pour que les jeunes médecins qui prennent le relais des médecins partis à la retraite dans la maison de santé ne soient pas découragés par cette activité [de visite] habituellement très chronophage », analyse le Dr Jaguelin.

Et ça marche ! Deux jeunes médecins non encore thésés comptent s'installer dans le cabinet médical et poursuivre ce suivi collaboratif innovant auprès des patients dépendants. En réduisant la fréquence des visites, les médecins ont pu admettre davantage de nouveaux patients lourds. « J'ai pu prendre cinq nouveaux patients totalement dépendants qui n'avaient plus de médecin traitant. C'est appréciable pour notre territoire atteint de désert médical », ajoute la généraliste.

Avec une population de plus en plus âgée en perte d'autonomie, le médecin est « convaincue » de l'intérêt du projet. « Ce suivi permet un échange permanent avec les infirmiers qui évite les hospitalisations et les déplacements inutiles pour les médecins ». L'expérimentation sera évaluée. Le cas échéant, elle sera dans un premier temps étendue dans la région.

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin