Lundi noir pour la biologie médicale. Après l'appel à la grève lancé la semaine dernière, 95 % des laboratoires français étaient fermés aujourd’hui, selon le décompte de l’Alliance de la biologie médicale (ABM) – qui regroupe quatre syndicats de praticiens et les principaux groupes de laboratoires d'analyses. Un boycott déjà jugé « inconséquent » et « inadmissible » par le ministre de la santé, François Braun, qui les a même accusés de « prendre en otage l’ensemble de la population ».
Depuis plusieurs semaines, les biologistes sont vent debout contre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qui prévoit « un coup de rabot aveugle » et pérenne sur les actes de biologie, selon Aurélie François, directrice générale d’Eurofins Biologie médicale.
Dans le détail – et selon les calculs de l’ABM – quelque 280 millions d’euros d’économies sur la biologie médicale sont programmés en 2023, puis 332 millions chaque année jusqu'en 2026. « Une cure d’économie imposée de 1,276 milliard d’ici à quatre ans », se désole le Dr Thierry Bouchet, président du Syndicat des laboratoires de biologie clinique (SLBC) qui fustige « la folie austéritaire » du gouvernement.
Guerre des chiffres
Dans le viseur de l'exécutif, les sept milliards d’euros de chiffres d’affaires qu’aurait réalisé le secteur pendant la pandémie, notamment grâce la réalisation massive de tests Covid solvabilisés. François Braun évoquait même un taux de marge frôlant les 30 %. Une présentation que réfute le secteur. « Depuis le début, le gouvernement fait état de chiffres tronqués, voire manipulés, pour nous faire passer pour des profiteurs de guerre », déplore Aurélie François.
Si la DG d’Eurofins reconnaît « la croissance exceptionnelle des labos liée au Covid », elle recadre la progression des chiffres. « Pendant la pandémie, notre résultat net a augmenté de 16 % en moyenne, contre 12 % en année normale », explique-t-elle. Quant au bénéfice net lié à la pandémie, alors que l’exécutif avance le chiffre de 3,5 milliards d'euros, le secteur affiche un résultat bien différent, notamment à cause des investissements réalisés en parallèle. « Nous sommes très en dessous, autour de 800 millions, indique Catherine Courboillet, présidente de Cerba HealthCare. Le gouvernement se mélange les crayons ! »
10 % des labos pourraient fermer
Les économies réclamées aux laboratoires d'analyses devraient représenter une baisse de deux centimes de la lettre clé des biologistes. « La lettre B est actuellement à 27 centimes. Cela correspondrait à 7,4 % de diminution des actes », résume le Dr Jean-Claude Azoulay, président du Syndicat national des médecins biologistes (SNMB). Tous les actes de biologie courante seraient ainsi impactés, à hauteur de 145 millions d’euros pour 2023, selon l'ABM. Ce n'est pas tout. « Nous avons appris par ailleurs que l’Assurance-maladie souhaitait baisser une quinzaine d’actes très prescrits, comme la numération ou l’ECBU », abonde François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes (SDB). Sept euros de baisse sont également attendus sur les tests PCR.
Avec de telles mesures, l’ABM projette « une division par six du résultat net des laboratoires, passant de 12 % à 2 % », explique Thierry Bouchet. Il craint qu’« avec une telle chute nous ne puissions plus maintenir notre maillage territorial ».
Pire, sans rétropédalage, l’alliance anticipe la fermeture de 10 % des laboratoires de proximité, soit 400 sites. « Dans nos laboratoires de campagne, nous vivons essentiellement de la biologie de routine, souligne le Dr Michel Pax, patron des Biologistes indépendants. Cela va nous obliger à fermer ou à comprimer nos amplitudes horaires, avec pour conséquence de réduire l’accès aux soins. »
Amertume
La pilule a d’autant plus de mal à passer que les labos se targuent d'une mobilisation « exemplaire » pendant la crise. « Nous avons massivement acheté des masques, des barnums, recruté 10 000 personnes, fait 500 millions d’euros d’investissement en 2020 », se souvient Aurélie François. Le tout sans subvention de l’État.
« Nous avons testé sur ordre du gouvernement, qui a décidé lui-même des tarifs et d'une politique de dépistage "open bar", contre notre avis ! », tient à rappeler, amer, le Dr Lionel Barrand, président de Biomed (Les Biologistes Médicaux). Alors qu’au plus fort de la pandémie, l’exécutif réclamait aux labos de réaliser deux millions de tests Covid hebdomadaires « désormais il nous attaque pour avoir fait ce travail », s’agace le biologiste.
L’ABM regrette aussi que le gouvernement fasse table rase des économies assumées par les labos depuis neuf ans, via leur protocole triennal. « Grâce à cela, nous avons dégagé 5,2 milliards d’économie au bénéfice de la Cnam », calcule Aurélie François.
Prêts à aller « jusqu’au bout »
Gage de leur bonne volonté, les labos sont prêts à faire un effort de 250 millions d’euros, par le biais d’une contribution exceptionnelle « Covid ». Une contre-proposition adoptée au Sénat vendredi dernier, suivant un amendement de la commission des Affaires sociales.
Malgré cela, François Braun et Gabriel Attal « restent sourds à nos alertes », regrette Thierry Bouchet. « Devant l’inefficacité du gouvernement », les biologistes en appellent désormais directement à Emmanuel Macron « pour discuter de manière sereine ». Faute de quoi, l’ABM prévient : les biologistes sont prêts à aller « jusqu’au bout ! ».La grève devrait se poursuivre jusqu’à mercredi soir et pourrait être encore reconduite.
« Nous ne sommes fermés à aucune option », a assuré de son côté le ministère de la Santé, qui demande aux biologistes de « revenir à la table des négociations ». Il souhaite que cette « grève inadmissible » ne mette pas « en péril les parcours de soins des patients ».
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