« La communication du gouvernement a été incohérente et inadaptée. Les messages ont été contradictoires et la médecine générale s’est retrouvée insuffisamment impliquée dans la lutte contre le coronavirus », lance le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. Lors d’une conférence de presse à distance, le patron du syndicat des généralistes n’a pas mâché ses mots. Si les patients ont été principalement pris en charge par l'hôpital au début de l’épidémie, très vite, après le passage à la phase épidémique, ils ont sollicité les médecins de ville, qui sont désormais en première ligne. La question de leur rôle au moment du déconfinement est donc majeure.
Efforts d'adaptation non payants
Selon une enquête nationale réalisée entre le 31 mars et le 3 avril par le syndicat, en deux semaines (du 17 au 31 mars), dans tous les départements français, à l’exception de la Guyane et de Mayotte, 2 032 médecins généralistes répondants ont pris en charge 56 033 patients présentant un tableau compatible avec le Covid-19, confirmé ou probable. « Cela représente par médecin entre 15 et 20 patients sur les deux semaines que nous avons considérés », déclare le Dr Battistoni. Pour répondre à ces demandes de soins exceptionnelles, les médecins généralistes ont fait « des efforts d'adaptation » dans leurs propres cabinets. « On a créé des parcours séparés entre les patients Covid et les autres, proposé des téléconsultations apparues comme la première barrière efficace ». Par ailleurs, dans plusieurs villes, départements ou régions (à Paris 18e, dans la ville d'Amboise ou dans l'Allier), des centres de consultations libéraux ont vu le jour grâce à la coordination des professionnels de santé libéraux regroupés en maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ou en communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Malgré ces efforts, des cabinets médicaux se retrouvent avec une baisse d’activité de l’ordre de 50 %. Pourquoi ? « Le premier ministre a insisté en disant aux patients : "n'allez voir votre médecin qu'en cas d'urgence" », regrette le Dr Battistoni. Ce message de confinement a peu incité les patients à aller voir leur médecin. « Nous avons tiré le signal d’alarme pour la prise de risque des patients fragiles, précaires, âgés, avec des troubles psychiatriques », ajoute-t-il.
Soins primaires enfin reconnus
Depuis quelques jours, les alertes de MG France et des autres syndicats de médecins libéraux semblent être entendues. Une note signée par le directeur général de la DGS, le Pr Jérôme Salomon et publiée sur le fil DGS-Urgent, indique que « toutes les précautions sont prises pour que l’accueil des patients non-porteurs du virus se fasse dans les meilleures conditions et que le risque de contamination soit évité ». « Il est important que le médecin traitant ou le médecin spécialiste correspondant habituel prenne contact avec les patients atteints de pathologie chronique les plus fragiles pour s’assurer du suivi et détecter un risque de décompensation de la pathologie », écrit le Pr Salomon. Une note qui satisfait à moitié MG France. « Il était temps. Nous finissions par être entendus. Que de temps perdu », regrette le Dr Battistoni.
Lien ville-hôpital
Pour la sortie du confinement, le patron de MG France estime que les médecins généralistes ont un rôle de proximité à jouer, notamment dans le suivi des patients guéris du Covid-19. « Il est légitime que l’hôpital se préoccupe de ce que deviennent les patients qu’il laisse sortir. Mais il doit aussi tenir compte des médecins de ville en n’organisant pas des circuits de prise en charge différents », prévient-il. Le médecin cite l’exemple du 18e arrondissement parisien où les professionnels de santé de ville se sont organisés pour une prise en charge spécifique (équipe mobile d’infirmières, numéro spécial à contacter pour mettre en contact tout patient atteint du Covid-19 avec un médecin traitant).
« L’hôpital a dupliqué notre stratégie comme le circuit des infirmiers, la cartographie des professionnels de santé sans jamais nous consulter », témoigne le Dr Agnès Giannotti, vice-présidente de MG France et installée dans le quartier de la Goutte-d’or. « C'est toujours descendant, emblématique du système de soins actuel. On fonctionne à l'envers (...). Un bon système doit être basé d'abord sur les soins primaires », conclut le Dr Battistoni. De nouveau, la question de la complémentarité ville-hôpital est clairement posée pour gérer l'après crise.
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