Révélée par le journal « Marianne », l'affaire n'a pas fait grand bruit, même si elle implique deux praticiens de renom. Dans une décision rendue publique en juin 2021, la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins a infligé la sanction du « blâme » au Pr Guy Vallancien. Les conseillers ont délibéré au sujet d'un conflit qui oppose le célèbre urologue, membre de l'Académie nationale de médecine, et le Dr Dominique Dupagne, généraliste retraité et blogueur.
Le litige remonte à 2012. À l’époque, le Dr Dupagne avait publié sur son forum « Atoute » un article pour soutenir un confrère généraliste, le Dr Goubeau, qui faisait l'objet d'une plainte au civil d'un patient pour un diagnostic tardif de cancer de la prostate. Ce patient reprochait à son médecin de n'avoir pas prescrit un dosage de PSA. Et pour appuyer sa plainte, le patient avait produit une expertise rédigée par le Pr Guy Vallancien discréditant l'attitude du médecin traitant, pourtant conforme aux recommandations officielles à l'époque des faits.
Le patient s'était aussi retourné contre le Dr Dupagne affirmant que ce dernier, en manifestant son soutien au généraliste, avait révélé sur son forum son nom et l'affection dont il souffrait. Et pour étayer sa plainte, il avait fourni un certificat établi par le Pr Vallancien attestant avoir constaté que le dossier du patient était bien en ligne le 11 mars 2013.
D'où la riposte juridique en 2017 du Dr Dupagne contre le Pr Vallancien sur la base de deux motifs : le manquement au principe de confraternité prévu par l'article 56 du code de déontologie et l'établissement d'un certificat mensonger.
Affirmations caricaturales
Rejeté en première instance, le grief du Dr Dupagne a été jugé recevable par la chambre disciplinaire nationale de l'Ordre.
Selon le jugement de quatre pages consulté par « Le Quotidien », le rapport rédigé par le Pr Vallancien contenait « des affirmations caricaturales et jugements de valeur catégoriques », tels que « certains médecins ont pris le parti de refuser tout bilan prostatique à leurs malades avec les conséquences désastreuses que l'on constate », « les arguments qui consistent à ne pas réaliser les examens nécessaires au diagnostic d'un cancer de la prostate sont nuls et non avenus » ou encore « la confusion des genres et le parti pris l'ont malheureusement emporté sur la sagesse médicale et la bonne pratique clinique ». Autant de propos constitutifs d'un manquement aux rapports de bonne confraternité.
Par ailleurs, il résulte de l'instruction que les documents relatifs au cas du patient concerné, mis en ligne par le Dr Dupagne, « étaient anonymisés » et ne comportaient pas le dossier du patient. Conséquence, le certificat établi par le Pr Vallancien assurant que le dossier patient était affiché sur le site était « mensonger ».
Sur le fond, cette querelle juridique est aussi une controverse médicale qui oppose les défenseurs – dont le Pr Vallancien – aux adversaires du dosage PSA en dépistage systématique, qui suivent les recommandations de la HAS. « J'avais rédigé cet article pour soutenir un confrère, explique le Dr Dupagne au "Quotidien". Il y a aujourd'hui un vrai enjeu : est-il normal de penser qu’un médecin a été condamné pour avoir suivi à la fois les données de la science et les recommandations de la Haute autorité de santé ? ». Contacté, le Pr Vallancien n'a pas souhaité répondre.
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