« Le curseur penche trop souvent vers l’impératif de sécurité au détriment du respect des droits fondamentaux », déplorait Adeline Hazan dans l'avant-propos de son rapport d'activité de 2015. Un an après, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) persiste et signe : « Il n'y a plus d'équilibre entre le respect des droits fondamentaux et des libertés individuelles, et la sécurité ; 2016 a même été marquée par un recul de ces droits », a-t-elle dénoncé ce 22 mars, lors de la présentation du dernier tome. « Ne s'agit-il pas d'enfermer le plus longtemps possible tous les individus considérés comme déviants, le délinquant, le fou, en occultant le fait qu'il sortira un jour ? », s'interroge-t-elle dans son avant-propos.
Violences en prison et accès aux soins dégradé
Les équipes du CGLPL ont visité 26 établissements pénitentiaires : la surpopulation carcérale n'a cessé de s'aggraver, avec une densité carcérale de 118 % et jusqu'à 141 % en maisons d'arrêt. Le nombre de détenus provisoires a dépassé en 2016 le seuil symbolique des 20 000 (+14 % par rapport à 2015). Les constats sont identiques d'année en année : vétusté, manque d'activité, recrudescence des violences, entraves à l'accès aux soins.
Le dépistage des violences que subissent les détenus avec consignation et signalement aux autorités devrait devenir l'une des missions des unités sanitaires en milieu pénitentiaire et des professionnels de santé, préconise le CGLPL, qui a mis sur pied un groupe de travail. « Nous avons saisi le garde des Sceaux au sujet de Fresnes. Souvent, les services médicaux peinent à mener ce travail d'évaluation, en partie car les détenus se taisent par peur des représailles », note Adeline Hazan.
Le CGLPL reconnaît l'amélioration du fonctionnement des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI, pour les soins somatiques), et unités spécialement aménagées (UHSA, soins psychiatriques). Mais il pointe des entorses à la confidentialité des soins et une dégradation des droits liés à la détention (absence d'information sur la durée des séjours, interruption des travaux de réinsertion, pas de cour de promenade, interdiction du tabac, etc.) qui conduit de nombreux détenus à refuser une hospitalisation.
Plus globalement, le CGLPL renouvelle ses critiques sur la prise en charge des détenus dans les hôpitaux, en particulier sur les extractions médicales, non exécutées, ou s'accompagnant trop souvent du recours à des moyens de contrainte, et sur la présence de surveillants lors des consultations, à l'encontre du secret médical (notamment pour les femmes).
Quant aux programmes de déradicalisation, « ils doivent être poursuivis mais les binômes psychologue-éducateur spécialisés doivent être mieux formés », souligne Adeline Hazan.
Une prise de conscience en psychiatrie
Malgré un tableau sévère et une année marquée par un rapport publié en urgence sur le centre psychothérapique de l'Ain, la CGLPL a relevé des lueurs d'espoir en psychiatrie. La loi du 26 janvier 2016 encadre l'isolement et la contention « en prenant en compte toutes les recommandations du CGLPL », s'est félicitée Adeline Hazan. Il manque néanmoins un observatoire national d'évaluation de ces pratiques, selon elle (un avis partagé par de nombreux psychiatres). « Une instance nationale est tout à fait nécessaire » pour interroger les disparités des pratiques, a-t-elle souligné. Elle a également regretté le délai de parution de la circulaire d'application, qui devrait être au « J.O. » d'ici à 15 jours. Mais « les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) sur l'isolement et la contention vont dans la bonne direction », a-t-elle salué.
Sur le terrain (les équipes ont visité 28 établissements de santé autorisés en psychiatrie) « certains services ont commencé une réflexion pour se mettre en conformité avec le CGLPL et la loi. Souvent, les professionnels nous ont dit avoir revisité leurs pratiques lors de notre visite. Au début de nos missions de contrôle, les personnels médicaux nous voyaient d'un drôle d'œil, mais cela a beaucoup évolué » observe Adeline Hazan. De plus en plus de courriers au CGLPL évoquent l'hôpital (10 % sur 3 674 missives reçues en 2016) ; les soignants prennent davantage la plume (15 courriers en 2016, contre 5 en 2015). « Un tabou a été levé », souligne la contrôleure (alors que l'omerta perdure chez les surveillants de prison).
Des situations inadmissibles perdurent néanmoins : la mise à l'isolement quasi systématique des détenus quel que soit leur état thérapeutique, ou des restrictions de circulation dictées par des problèmes organisationnels ou des intentions punitives. Le rapport invite chaque établissement à s'engager dans une réflexion sur les moyens d'élargir la liberté d'aller et venir des patients, et d'alléger les contraintes qui leur sont imposées dans leur vie quotidienne.
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