Citoyens et santé, droits et devoirs…

Publié le 10/06/2022
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VU PAR ALICE DE MAXIMY - Ces dernières années, on a plus tendance à évoquer les obligations des professionnels de santé et de façon symétrique les droits des patients. Ne serait-il pas temps d'équilibrer un peu la balance en parlant des responsabilités des uns et des autres au sein du système de soins ?

Crédit photo : DR

Devoirs de soignants, Droits des patients… Et si on inversait un peu la tendance pour une fois ? Droits des soignants, et Devoirs des patients… Commençons par les définitions, voulez-vous ?

Le Citoyen est un Homme libre appartenant au corps civique dans les cités… ou plus récemment, un Ressortissant d’un État, qui y jouit de la plénitude des droits civils et politiques.

Dans un contexte juridique, les droits sont ce que chacun peut exiger, ce qui est permis, selon une loi ou un règlement ; et les devoirs, une obligation particulière imposée par la loi, un règlement.

« Attention, s’il y a des obligations juridiques, alors il y a des sanctions quand on ne les respecte pas… », me dit ma mère, magistrate honoraire et professionnelle de santé à la fois (et bien que je sois fan d’Almodovar, non, je ne vous en dirais pas plus sur ma mère !). « Mazette, me suis-je dit, l’affaire n’est pas si simple ».

Après une recherche béotienne, il m’a semblé que les soignants croulaient sous les obligations. Si l’on se plonge, par exemple, dans le code de déontologie des médecins, les trois premiers grands chapitres concernent des devoirs : généraux, puis envers les patients, et enfin envers les professionnels de santé. Nous savons que ces obligations non remplies peuvent être suivies de sanctions. De même, dans la charte de la personne hospitalisée, les établissements doivent notamment garantir la qualité de l'accueil, des traitements et des soins. Des signalements peuvent être envoyés à l’ARS dont dépend l’établissement si ces garanties ne sont pas remplies.

En face des devoirs des professionnels, on parle largement des droits des patients. La loi de 2002 les a renforcés plaçant l’usager au centre de sa prise en charge, et la charte précitée les expose clairement (libre choix de son médecin, droit à l’information…). Désormais, le citoyen intervient dans les politiques publiques grâce à la démocratie sanitaire, et le droit à l’oubli a été sur le devant de la scène récemment. Bref, s’ils ne sont pas toujours respectés, les droits des patients sont ancrés dans les textes.

J’étais persuadée, naïve que je suis, que lorsqu’on parlait de droits qu’on avait des devoirs en échange. Un peu comme un principe donnant-donnant qui garantit les libertés. Et ainsi, je pensais qu’on pourrait parler des devoirs des patients (en dehors de celui de payer sa consultation) dans la mesure où ils avaient des droits. Un patient peut-il avoir, par exemple, le devoir juridique de suivre un traitement ? Et donc, dans ce cadre réglementaire, pourrait-il avoir une sanction s’il ne suit pas ledit traitement ? Bien évidemment non, car on bafouerait son droit fondamental de disposer de son corps.

Se placer aussi dans le champ de la morale

Mais si l’on sort du cadre juridique, et que l’on place les droits et devoirs dans le champ de la morale (droits : ce que chacun peut exiger, ce qui est permis, selon une règle morale ou sociale ; devoir, l’obligation particulière imposée par la morale, les conventions sociales). Alors, il n’y a plus de sanction formalisée et préétablie. Le patient n’aurait-il pas, alors, quelques obligations morales ? D’écouter son médecin par exemple, de partager son expérience réussie aux autres patients, de ne pas trop dépenser pour que le système perdure, de respecter le rôle soignant soigné, sachant-apprenant, de dénoncer les manquements du système comme l’absence de reconnaissance et de prise en charge adaptée des personnes atteintes de maladies rares ou de maladies mentales, par exemple ?

Et les soignants… qui ont tant de devoirs, n’auraient-ils pas des droits moraux eux aussi ? Comme les droits d’avoir des conditions de travail qui leur permettent de soigner dignement et efficacement, d’être entendus des pouvoirs publics, d’avoir des rémunérations à la hauteur de leurs responsabilités ou de leurs années d’études, ou encore d’avoir les budgets pour mener à bien les recherches nécessaires au traitement ou à la survie de leurs patients ? Ça fait rêver, n’est-ce pas ? Dans tous les cas, ils ont les mêmes droits… juridiques cette fois, que tout citoyen, et notamment le droit au respect ; et cela, les patients l’oublient trop souvent.

Bref, dans cet imbroglio, pour reprendre ma toute première définition, je dirais que nous sommes tous (usagers, soignants et autorités de santé) des citoyens de cette vaste cité qu’est la Santé, avec des responsabilités de part et d’autre pour permettre un mieux vivre ensemble. Car il s’agit bien ici de… vivre, on l’oublie parfois.

Alice de Maximy

Source : Le Quotidien du médecin