« NOUS AVONS la chance dans notre pays de ne pas avoir à écrire l’histoire des droits des patients sur une page blanche. Pour autant, il est essentiel de capitaliser et de faire en sorte que chacun puisse bien connaître ses droits pour mieux se les approprier », déclare Nora Berra en préambule de la conférence nationale de lancement de l’année des patients. « Plus qu’un symbole, ce colloque doit permettre la préparation d’une véritable feuille de route », estime la secrétaire d’État à la Santé. Une feuille de route où les médecins auront évidemment une place prépondérante : « Les professionnels de santé doivent jouer un rôle central dans cette dynamique. Ce sont d’eux que dépendent la qualité des soins dispensés, mais aussi cette relation de confiance qui doit s’établir entre le soignant et soigné. Mieux informer le patient, c’est conforter sa liberté. Assurer sa participation aux décisions qui le concernent, c’est garantir son autonomie. C’est comme cela que l’on pourra mieux l’aider à surmonter sa maladie », considère Nora Berra.
Une enquête TNS Sofres conduite en février dernier pour le ministère de la Santé illustre la perception des droits des patients par les professionnels de santé. Dévoilée lors du colloque, cette étude s’appuie sur un échantillon représentatif d’une quarantaine de professionnels de santé (médecins, sages-femmes, personnels paramédicaux, personnels administratifs). D’une manière générale, si les professionnels interrogés se déclarent « favorables à la formalisation et à la mise en avant des droits des patients », ces derniers font aussi preuve de certaines réserves à ce sujet, souligne l’étude. Les professionnels de santé craignent en particulier qu’une mise en avant de ces droits n’entraîne une « dégradation de la relation avec les patients » (avec un risque de judiciarisation) et une « remise en cause progressive de leur statut ». L’enquête montre également que « les droits des patients ne sont pas tous appréhendés de la même manière par les professionnels de santé ». De nombreux droits sont perçus comme absolument fondamentaux : respect de la personne, égalité de tous en matière de protection de la santé, informations sur les conditions du séjour, rédaction de directives anticipées, droit à être entendu par un responsable d’établissement pour exposer ses griefs.
Freins quotidiens.
Certains droits sont approuvés mais considérés par les professionnels de santé interrogés comme plus difficilement applicables : libre choix de l’établissement de santé et continuité des soins, soulagement de la douleur et droit à une vie digne jusqu’à la mort, désignation d’une personne de confiance. D’autres droits sont même jugés beaucoup plus discutables : respect des croyances et convictions, information directe du patient (incluant l’accès direct au dossier médical), droit pour le malade de ne pas être informé sur son état de santé ou de refuser un traitement, secret de l’information auprès des proches, réparation amiable d’un préjudice subi, participation active du patient aux décisions le concernant. Plusieurs freins à l’application des droits des patients dans la pratique quotidienne sont mis en avant : manque de temps et de moyens matériels, problèmes de coordination et de cohésion, insuffisance de l’information et la formation, résistance de certains praticiens.
Au final, comment mobiliser sur le terrain les professionnels de santé en faveur des droits des usagers, se sont interrogés plusieurs intervenants lors d’une table ronde. Pour le Pr Jean-Michel Boles, directeur de l’espace éthique régional du centre hospitalier universitaire de Brest (lauréat du concours « droits des patients 2010 »), une meilleure prise en compte des droits des patients à l’hôpital passe notamment par une diffusion de la culture éthique au sein des établissements, la priorisation d’actions en faveur de ces droits par tous les responsables et la valorisation de ces actions (« Car ce qui n’est pas valorisé n’est pas fait »). Mireille Faugère, directrice générale de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) estime qu’au-delà des textes législatifs, la réponse doit surtout être élaborée « au plus près du terrain » dans une réflexion commune entre responsables administratifs, responsables médicaux et représentants des associations. « Les associations doivent être considérées comme des partenaires qui font avancer l’élévation du niveau de soins et non pas comme un frein à l’organisation du travail au quotidien », déclare la directrice générale de l’AP-HP.
Après la remise il y a dizaines de jours de trois rapports englobant 190 recommandations pour l’amélioration de l’application des droits des patients, cette conférence nationale a été pensée pour identifier les sujets qui nécessiteront « des compléments d’expertise et d’analyse ». Un comité national de suivi, chargé d’élaborer un plan d’actions concrètes sera par la suite mis en place.
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