Avant l’ouverture de la 6eConférence nationale du handicap, qui s’est tenue à l’Élysée le 26 avril, l’entourage d’Emmanuel Macron promettait des « annonces fortes ». Mais, pour les associations, dont certaines ont boycotté l’évènement en déplorant un manque d’ambition et de concertation, le compte n’y est pas.
Sur le sujet du handicap, « nous ne sommes pas à la hauteur de l’idéal d'égalité que nous avons gravé au fronton de la République », a lancé le chef de l’État. Le récent avis du Comité européen des droits sociaux (CEDS), instance indépendante du Conseil de l'Europe, pointait notamment les lacunes françaises dans l'inclusion scolaire des enfants et adolescents handicapés, mais aussi les difficultés d’accès aux services de santé des personnes handicapées. « Ce constat nous oblige », a commenté Emmanuel Macron.
Un manque d'indications sur les calendriers et les financements
Malgré cette intention, les mesures présentées « ne répondent pas à la condamnation de la France par le Conseil de l’Europe », estime Stéphane Lenoir, coordinateur du Collectif Handicaps, qui a boycotté la conférence et qui fédère 52 associations. Ces annonces « manquent de souffle », tacle-t-il. Surtout, « on reste dans le flou : il y a des orientations et quelques annonces, mais peu ou pas d’indications sur les calendriers de mise en œuvre et la programmation budgétaire pluriannuelle ».
Parmi les principales annonces, l’investissement de 1,5 milliard d’euros en faveur de l’accessibilité souffre « d’imprécisions à éclaircir », notamment sur le déploiement, à compter de 2025, est-il indiqué dans le dossier de presse. Concernant les fauteuils roulants remboursés à 100 %, « sur le principe, c’est une excellente nouvelle », salue Stéphane Lenoir, mais là aussi des éclaircissements sont nécessaires : « les personnes concernées auront-elles le choix du matériel ? Quid des personnes qui n’auraient pas de mutuelle ? », interroge-t-il.
En matière de santé, la conseillère nationale de l’association APF France Handicap en charge de ces questions, Karine Pouchain-Grepinet, relève tout de même « quelques éléments positifs », comme l’accès aux complémentaires santé pour les salariés des établissements et services d'aide par le travail (Esat).
D’autres mesures portent sur des dispositifs déjà en place, dont la généralisation était prévue. Il s’agit « plus de confirmations politiques que de véritables annonces », observe-t-elle, citant notamment le déploiement des référents handicap au sein des établissements de santé et en médecine d’urgence ou la généralisation, à partir de 2024, du dispositif Handigynéco, qui vise à améliorer l’accès aux soins gynécologiques, à la prévention et à l’information sur la vie affective et sexuelle via l’intervention de sages-femmes directement en établissements médico-sociaux (EMS).
Le déploiement national de ce dispositif, expérimenté actuellement sur la base du volontariat des professionnels et des établissements en Île-de-France depuis 2019 et en Normandie depuis 2022, est une « belle avancée », relève la conseillère santé de l’APF. Mais, toutes les femmes handicapées ne sont pas concernées et aucun dispositif n’est prévu par exemple pour celles vivant à domicile. Les financements et certaines modalités, à commencer par la rémunération des sages-femmes impliquées, « doivent être précisés », ajoute Karine Pouchain-Grepinet.
Création d'un service public de repérage et d’évaluation du handicap
Parmi les nouveautés, le chef de l’État a annoncé la création d’un « service public de repérage et d’évaluation du handicap » pour permettre un diagnostic précoce, à l’image de ce qui a été mis en place pour l’autisme via les centres d'action médicosociale précoce (CAMSP) et les plateformes de coordination et d’orientation (PCO). Ce service de repérage précoce est « le cœur de la bataille », selon Emmanuel Macron. Tous les enfants devraient y avoir accès « avant 6 ans », sans passage préalable par la MDPH. Cette mesure, qui devrait être effective au plus tard en 2025, était « très attendue », souligne Karine Pouchain-Grepinet, mais là encore, les informations sur les moyens alloués font défaut.
Une autre nouveauté porte sur la vie affective, intime et sexuelle et le soutien à la parentalité. Le président a annoncé un plan d’actions « d'ici à l'été » pour « lever les entraves et avancer sur ce sujet, ô combien important ». C’est une « impulsion politique forte », malgré l’absence d’une annonce « espérée » sur l’assistance sexuelle, réagit Karine Pouchain-Grepinet. Elle attend désormais « avec impatience » le plan d’actions « qu’on espère pouvoir co-construire avec la ministre », indique-t-elle. D’ores et déjà, les centres régionaux de ressources IntimAgir seront « sécurisés financièrement », salue-t-elle.
Globalement, les associations s’inquiètent du manque de détails sur les modalités et les financements alloués aux différentes mesures annoncées par Emmanuel Macron. Surtout, des angles morts persistent. « On ne trouve rien par exemple sur l’accessibilité des équipements de soins et du mobilier des cabinets », regrette Karine Pouchain-Grepinet.
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