LE QUOTIDIEN : Le Vendée Globe est une régate autour du monde de trois mois en solitaire et sans assistance. Comment se préparer médicalement à une telle course ?
Dr NICOLAS BARIZIEN : Pendant deux ans, j'ai préparé Bertrand comme lui a préparé son bateau, en suivant un processus évolutif pour qu'il parvienne au niveau d'endurance et de résistance de n'importe quel sportif de haut niveau. Le Vendée Globe, c'est le Graal du marin. Il faut donc faire « la totale » médicale : visite de non-contre-indication à la pratique d'un sport, bilan complet et test d'effort. Le but est de débusquer les pathologies graves, type coronaropathie ou cardiopathie congénitale.
À 56 ans, Bertrand de Broc affiche un vécu sportif et médical différent de la plupart des skippers. J'ai donc recherché des pathologies propres aux hommes de plus de 50 ans. Allez gérer des problèmes de prostate sur un bateau quand vous portez quatre sous-couches et deux cirés. Impossible ! Cela dit, Bertrand est un fervent pratiquant de la course à pied et de la natation. Ces trois derniers mois, nous avons travaillé à différents rythmes sur la puissance énergétique. Dans le milieu, on dit qu'on commence à fond et on accélère. C'est l'état d'esprit nécessaire pour monter une voile de 60 à 80 kg en moins de trois minutes.
Avez-vous travaillé sur le mental ?
C'est la deuxième partie de mon travail. En mer, le skipper est dans un état d'hypervigilance à l'égard du vent, du bateau, de la vague et de lui-même. Comme les joueurs, qui ressortent épuisés d'une partie ardue sans pour autant avoir bougé de leur chaise. Il faut donc apprendre à gérer cet état. Cela commence par un travail sur le sommeil, l'alimentation, le stress et la récupération. Ça s'est réglé très rapidement avec Bertrand. En vieux loup de mer, il n'a aucun mal à passer en mode compétition. En 24 heures, il arrive à tronçonner son sommeil en cycles de cinq à sept minutes, 20 à 30 minutes ou 1 h 30 pour parvenir à un total de cinq à six heures de repos par 24 heures.
Les repas lyophilisés sont de 2 500 à 3 000 calories par jour en zone chaude, c'est-à-dire avant le cap de Bonne Espérance, en Afrique du Sud. À 2 °C de température et avec une humidité constante, on double la dose. Bertrand est un bon vivant. Il se plie à cette rigueur alimentaire de bonne grâce mais il a aussi besoin de prendre du plaisir en naviguant. C'est son moteur psychologique. Il a donc embarqué du vin rouge et de la charcuterie corse !
Comment assurer son suivi médical pendant la course ?
Bertrand s'est recousu la langue tout seul lors de son premier Vendée Globe, en 1992, avec des moyens de communication très inférieurs à ceux d'aujourd'hui. Le skipper peut joindre les médecins marins du PC de sécurité médicale 24 heures sur 24 mais s'il perd connaissance, il perd connaissance. S'il se casse une jambe, il peut prendre les antalgiques qui se trouvent dans sa pharmacie – la même que celle des autres skippers, de la taille d'une grosse malle – en attendant un éventuel rapatriement ou le déroutage d'un concurrent. Mais on n'envoie pas les secours dans les quarantièmes rugissants sur un coup de tête.
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