En septembre 2012, le Dr Oliver Bogler, neurochirurgien à l’Université du Texas Anderson, est entré dans une monde inconnu pour lui, le monde du « rose ». Et il s’est senti triplement « usurpateur ».
Homme dans un monde de femmes puisqu’un cancer du sein lui a été diagnostiqué. Malade dans son propre univers de médecin car il a choisi d’être suivi dans son hôpital. Et volontaire pour participer à toute forme de recherche clinique ou académique – son champs de prédilection – dans un domaine particulièrement délaissé des chercheurs.
Le cancer du sein n’était pas un territoire inconnu pour le Dr Bogler. Il avait en effet été très présent dans le suivi de celui sa femme, le Dr Irene Newsham-Bogler, une biologiste du centre de recherche contre le cancer Anderson au Texas, diagnostiqué quelques années plus tôt. Mais il ne s’était jamais imaginé qu’« un seul des hommes croisés dans le service d’oncologie du sein venait à un autre titre que celui d’accompagnant ». Oliver Bogler a immédiatement eu besoin de parler, « pour limiter les questions évitables sur son lieu de travail ». Son témoignage a pris la forme d’un blog qu’il entretient encore, alors qu’il est considéré comme stabilisé.
Aujourd’hui, le Dr Bogler est devenu le porte parole de cette maladie auprès du grand public et de ses confrères – notamment à l’occasion du congrès annuel sur le cancer du sein de San Antonio au Texas. Il s’implique dans le développement des sources de financements pour la recherche sur le cancer du sein chez l’homme et pousse à l’inclusion d’hommes dans les études cliniques. Son but : faire que les hommes puissent recevoir des traitements sur mesure et non plus des protocoles dérivés de ceux utilisés chez les femmes.
L'alerte
Le 24 septembre 2012, le Dr Bugler débute son blog en racontant cette boule au sein qui ne l’inquiétait que très peu depuis 6 mois et, qu’un jour, il a montré à un confrère en dehors du centre de cancérologie où il travaille habituellement. C’est la modification de couleur du mamelon qui a alerté ce médecin et qui a conduit à la biopsie dont le résultat a été connu en octobre 2012.
Le Dr Bogler a décidé de se faire suivre dans son propre hôpital où il a été pris en charge par le Dr Nellie Connally. Le traitement qui lui a été proposé a été très similaire à celui de sa femme, ce qui à été à la fois « rassurant » et « déconcertant », comme si « (sa) virilité était remise en question ». Pourtant, souligne-t-il, le cancer du sein « n’est pas spécifiquement lié au genre comme le sont le cancer des ovaires ou des testicules ».
Les premiers jours de son blog, le Dr Bogler, parle des techniciens de radiographie qui disent qu’ils effectuent des mammographies régulièrement à des hommes (« we do men all time »), de la découverte commune du diagnostic par le couple ( « ma femme a validé le diagnostic de l’oncologue et de l’anapath : j’ai donc un cancer »), de son choix d’en parler rapidement à ses proches et à ses enfants de 8 et 10 ans…
Il mélange grandes interrogations et « petites choses » qui font parfois sourire. Il fait part de ses premiers étonnements : la présence de cardiologues dans son centre qui participent au choix des doses de chimiothérapie en raison de effets cardiotoxiques. Il insiste sur des détails comme l’importance de toujours apporter une paire de chaussettes chaudes, un bonnet et un bon livre pour toute chimiothérapie. Il parle de ce qui l’a rassuré : son contact avec un juriste qui lui a permis de mettre de l’ordre dans ses biens, ses comptes, ses crédits et sa paperasse. Il explique aussi que tout patient atteint de cancer doit absolument se munir d’un parapheur contenant tous ses examens bien rangés et d’un plan détaillé de l’hôpital où il est suivi.
Malade chercheur
Très rapidement, un fois son traitement mis en place, le Dr Bogler redevint ce qu’il a toujours été : un chercheur en oncologie. Et c’est un grand étonnement pour lui car un pour cent des cancers du sein concerne les hommes « ce qui fait 2 500 cas par an aux Etats-Unis, à peine moins que le cancer de la vésicule biliaire (4 000 personnes) » . Dans la bibliographie, la plupart des articles ne sont que « des descriptions de cas ». « Anecdotique. »
Voici quelques unes des réflexions qu'inspirents ses lectures à Oliver Bolger : « Alors qu’en moyenne aux Etats-Unis, l’équivalent de 200 dollars sont attribués à la recherche sur le cancer du sein pour chaque femme malades, les hommes sont très en retard, avec 3 dollars par personne. » « Si 1 % du budget du National Cancer Insitute pour le cancer du sein était attribué aux formes masculines, 6,2 millions de dollars seraient disponibles, contre 750 000 actuellement. » « Sur 100 études sur le cancer du sein, seules 42 – hors essais sur des thématiques uniquement féminines, la reconstruction par exemple – prévoient de pouvoir inclure des hommes. » « L’hormonosensibilité quasi systématique des cancers du sein de l’homme n’a pas été étudiée, pourtant, elle est beaucoup plus fréquente que chez les femmes. » « Je propose que désormais, les essais qui excluent les hommes expliquent pourquoi ils sont éthiquement exclus. » « Je ne pense pas que ce soit une bonne chose de mettre en place des recherches uniquement sur l’homme, mais qu’il faut intégrer les deux sexes dans les banques de tissus, dans les essais, la recherche fondamentale, la recherche de mutations, de modèles animaux, de traitements sur mesure… »
Aujourd’hui que son cancer est consolidé, le Dr Bogler aborde d’autres sujets d’actualité dans son blog : la masculinité après un cancer du sein, l’impact des perturbateurs endocriniens, la mastectomie prophylactique, le risque de cancer du sein chez les transgenre, la « beauté » des cicatrices…
http://malebreastcancerblog.org
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes