Le gouvernement espagnol a décidé de s’attaquer au manque de médecins, une situation déjà ancienne qui concerne aussi bien les hôpitaux publics que les centres de santé de premier recours où les praticiens sont salariés, et qui complique singulièrement la lutte contre la pandémie.
De fait, à cause de rémunérations décevantes sous l'effet des coupes budgétaires, de conditions de travail pénibles et de contrats précaires qui se multiplient, plus de 19 000 médecins formés en Espagne sont partis exercer à l’étranger au cours des dix dernières années. Et, selon l'Ordre des médecins espagnols, qui délivre les certificats nécessaires, ces départs ont bondi de 18,7 % l'an passé…
Contrats courts
Pour le Dr Victor Pedrera, vice-secrétaire général de la Confédération des syndicats médicaux, la situation est devenue critique. « Il n'y a plus de médecins pour travailler aux conditions auxquelles l’administration prétend les embaucher, ni les hôpitaux ni les centres de soins », résume-t-il, amer.Le porte-parole de la Fédération des associations pour la défense de la santé publique (FADSP), Marciano Sanchez Bayle, abonde en ce sens : « Entre 30 et 40 % des contrats publics sont aujourd'hui temporaires. Il y a même des contrats très courts, deux ou trois mois, sans perspective de stabilité de l'emploi ».
La carence de l'offre médicale est criante chez les spécialistes en « médecine de famille », filière généraliste permettant d'exercer dans les centres de santé, mais aussi chez les pédiatres, les spécialistes de médecine interne et en soins intensifs.
Appel aux retraités ?
Alors que les praticiens font défaut, avec des conséquences parfois dramatiques depuis le début de la crise sanitaire, le gouvernement espagnol multiplie les initiatives pour reprendre la main.
Son président Pedro Sanchez a annoncé mi-novembre une augmentation non prévue de 3,2 % des postes (à hauteur de 8 000 places pour 2021) au concours d’entrée vers les spécialités, l'équivalent de l’internat. Il a promis le transfert de nouveaux moyens financiers aux communautés autonomes, régions compétentes en matière de rémunération et d’embauche des médecins salariés.
De plus, le gouvernement central vient d'autoriser l’embauche supplémentaire de nouveaux praticiens : d’une part, des médecins originaires de pays hors Union Européenne (venant principalement d’Amérique latine) ; d’autre part le recrutement de certains médecins espagnols n’ayant pas obtenu initialement de poste dans des spécialités qui font défaut. Enfin, la ministre du Travail, Yolanda Diaz, prépare un décret pour encourager les médecins partis exercer à l’étranger à revenir s’installer en Espagne dans le secteur public. Ces incitations incluront des aides financières, voire l’octroi d'un CDI.
En attendant ces renforts incertains, l'Espagne s'interroge sur les modalités de renforcement rapide de son offre médicale : faut-il solliciter les praticiens retraités – comme l'ont préconisé plusieurs syndicats – pour prêter main-forte à leurs confrères dans cette période de crise sanitaire ? Ou doit-on rémunérer un « surcroît de productivité » des soignants salariés, comme en Navarre, pour des heures supplémentaires faute de médecins disponibles ? Le débat est loin d'être terminé.
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