Est-ce le début de la fin pour la médecine libérale exclusive de premier recours ?
Les dernières données sur la démographie médicale au 1er janvier 2020, issues de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), traduisent une nette évolution en faveur de l'exercice mixte et salarié dans trois spécialités phares du premier recours : la médecine générale, la gynécologie et la pédiatrie. Sur un total de 227 298 médecins en 2020, seuls 45 % d’entre eux exercent uniquement en ville, 12 % préfèrent une pratique mixte, 31 % travaillent en établissement et 12 % ont opté pour une autre forme de salariat.
Mais en six ans (2014-2020), la DREES note un recul de 6,1 % du nombre de médecins libéraux exclusifs (-6 600 praticiens environ) alors que l'exercice mixte bondit (+ 26,4 %) tout comme le salariat hospitalier (+ 11,3 %) ou sous d'autres formes (+5,5 %).
Cette évolution est encore plus spectaculaire pour la médecine générale. En six ans, les effectifs globaux d'omnipraticiens restent stables (un peu au-dessus de 100 000) mais la spécialité connaît un bouleversement dans ses modes d'exercice avec 4 000 généralistes « 100 % libéraux » en moins (-6,5 %). Les médecins de famille sont davantage séduits par une activité mixte (+ 30,2 % soit presque 2 000 médecins supplémentaires), par l’hôpital (+8,5 %) ou dans un autre type de salariat (+1%).
Les pédiatres un pied dans chaque secteur
Le déclin de l'exercice libéral s'observe également en pédiatrie. En 2020, plus de la moitié des 8 440 praticiens de cette spécialité ont fait le choix du salariat hospitalier et on ne recense plus que 2 070 pédiatres libéraux exclusifs, une option qui a perdu beaucoup de terrain en sept ans (-10,1 %). Comme leurs confrères généralistes, les spécialistes de l’enfant se tournent vers l'exercice mixte (+35 %, 300 pédiatres en plus) et le salariat hospitalier (+17,6 % soit 670 praticiens supplémentaires).
Quant aux gynécologues médicaux, sur les 2 450 médecins recensés en 2020, seulement 1 390 sont des libéraux exclusifs. Depuis 2014, les effectifs en ville se sont effondrés (-40,3 %). C'est surtout le salariat à l'hôpital qui marque des points chez les gynécologues (+10,7 %), davantage que l'exercice mixte qui s'érode également.
Postes, protection sociale et sécurité
Cette tendance générale n’étonne pas le patron de MG France. « Il y a beaucoup de postes disponibles à l’hôpital, souligne le Dr Jacques Battistoni. Le statut de salarié comporte nombre d’avantages comme la protection sociale. Et il est logique que les jeunes médecins qui n’ont connu que l’hôpital préfèrent choisir la sécurité ». Le médecin normand trouve normal que son syndicat accompagne la montée en puissance de l’exercice mixte. « C’est un souhait des jeunes médecins de diversifier leur activité. Mais attention, il faudra former encore plus de généralistes pour remplir ces postes d’exercice mixte. Si ce n’est pas le cas, le maillage territorial risque d'être en danger ».
Le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, tire les leçons de cette mutation. La centrale polycatégorielle vient d'avancer des mesures pour favoriser les carrières mixtes ville/hôpital et les passerelles à la faveur d'un statut médical unique. En attendant, la CSMF voudrait permettre aux praticiens libéraux d'exercer à l'hôpital avec une rémunération à l'acte, comme en ville, moyennant une « redevance à un taux raisonnable ». La CSMF rappelle surtout que les tarifs des actes cliniques sont très peu incitatifs. Un message pour le successeur de Nicolas Revel à la tête de la CNAM...
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