Éditorial

Fin de vie : panser le monde d'après

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Publié le 05/02/2021

Plus de 2,2 millions de décès dans le monde, bientôt 78 000 en France… Le Covid n'en finit pas de décliner sa funèbre litanie. Trop de malades, trop de tensions en soins intensifs, trop de morts… Ce climat devrait forcément avoir une incidence sur la réflexion touchant à la fin de vie. Et, alors que le débat a pris depuis quelques années un tour idéologique opposant schématiquement militants de la liberté individuelle et défenseurs de la vie, la crise sanitaire pourrait paradoxalement déplacer le sujet sur un versant moins philosophique et plus concret.

Depuis un an, la pandémie a confronté la société au retour du risque infectieux, renvoyant tout un chacun aux frontières indépassables de sa destinée : le caractère éphémère et fragile de toute existence. Aux victimes directes du Covid, s'ajoutent les autres, personnes âgées dépendantes, malades chroniques sans espoir de rémission, qui ont tiré leur révérence ces derniers mois, avec la solitude pour ultime compagne. On a tous des prénoms en tête – tel proche, telle connaissance, tel confrère — dont le départ nous a semblé comme escamoté, parce que si brutal ou marqué du sceau du confinement et de la clandestinité…

Cinq ans après la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie, le sondage que nous révélons montre que cette atmosphère a déteint sur nos concitoyens. Si la mort reste un sujet tabou — même dans le cadre du colloque singulier — les Français s'intéressent davantage au cadre qui régit l'accompagnement des mourants depuis 2016. Ils connaissent mieux les référents proposés comme la « personne de confiance » à qui s'ouvrir de ses dernières volontés. Et si seule une minorité a déjà rédigé ses directives anticipées, ils sont plus nombreux qu'avant à y avoir pensé. Certes, tout le monde n'a pas compris que leur médecin traitant pouvait être un allié. Et d'autres avancées de cette loi restent à populariser, comme la sédation profonde, qui demeure affaire de spécialistes.

Cette prise de conscience encore timide de la population va de pair avec une demande de moyens de la part des professionnels du secteur, pour la fin de vie à domicile notamment. Le 5e plan soins palliatifs est, de ce point de vue, très attendu. À un peu plus d'un an de la présidentielle, cela n'empêchera pas les tenants de la légalisation de l'euthanasie de mobiliser. L'Espagne et le Portugal viennent de prendre ce virage ; et cela crédibilise leurs revendications. Mais le contexte politique actuel ouvre peu de perspectives pour une réforme à la belge à compter de 2022. Surtout, si de réelles avancées étaient proposées en matière de prise en charge et d'accompagnement. Les médecins les attendent. Les patients aussi.

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin