L'Europe, et plus particulièrement la France, qui abrite nombre de start-up, a-t-elle une place à jouer dans la course à l'innovation en santé ? Depuis le début de la pandémie, les États-Unis ont mis sur la table quelque 20 milliards de dollars pour financer les traitements et vaccins anti-Covid – dont 8,8 milliards investis par le BARDA. Cette agence étatique, créée en 2006 pour lutter contre les menaces bioterroristes, finance le développement de médicaments essentiels en cas d’urgence sanitaire.
Une question de vitesse
« Le BARDA a permis de financer "à risque" six programmes vaccinaux, comme AstraZeneca, Moderna, ou Sanofi, en mettant sur la table au départ 500 millions d’euros chacun, pour les tests de phase 1 à 3 », a expliqué lors d’une audition au Sénat Franck Grimaud, président de Valneva, biotech française qui développe un vaccin Covid. Dès avril 2020 – et sans résultats cliniques publiés – le BARDA a alloué 483 millions de dollars au développement du vaccin Moderna, via son opération « Warp Speed », ou « vitesse de l'éclair ».
« Sans ce soutien du BARDA, nous n’en serions pas là ! Les programmes et les vaccins que les Européens ont achetés, ont en fait été financés par le BARDA, pas par l’Europe », détaille Franck Grimaud, qui déplore un manque de financement des biotechs sur le Vieux Continent et en France. À ce jour, 70 % des vaccins Covid développés sont nés de la biotech.
Financer la phase 3, un sacerdoce
Les lacunes du financement européen se cristallisent sur les essais de phase 3 et de l’industrialisation du vaccin. « En France, nous sommes bien soutenus sur les essais précliniques de phases 1 et 2. Le problème, c’est de trouver des financements pour la phase 3 des essais vaccinaux, qui coûtent 500 millions d’euros », soulève Franck Grimaud. En effet, avec une chance sur deux de voir l’essai aboutir, les investisseurs européens ne se bousculent pas au portillon. Lorsque 35 fonds d’investissement américains se positionnent sur ce créneau de l'innovation, « il n’y en a qu’une poignée en Europe », regrette encore l’entrepreneur.
Un constat que partageait également Stéphane Bancel, PDG de Moderna, dans nos colonnes. « Alors qu’il y 30 ans, l’industrie pharmaceutique française était très innovante, je pense qu’on a perdu une partie de cette innovation. Pourtant, le vivier de biotech est extraordinaire en France. Et les capital-risqueurs français, qui aident ces sociétés à se lancer, sont aussi très bons. Pour moi, le vrai manque en France, et en Europe, c’est le capital de croissance : les montants importants qui sont investis dans une entreprise déjà bien avancée ».
Le P-DG de Valneva, pépite basée en banlieue nantaise, avait ainsi décidé de faire financer ses essais cliniques au Royaume-Uni. Une fois le vaccin développé, le pays sera le premier servi, quelques mois avant l’Union européenne.
Vers un BARDA européen
Le développement des vaccins Covid a donc révélé les failles européennes en matière de financement de l’innovation biomédicale. Et le BARDA américain, bureau centralisé, fait des envieux du côté de la Commission européenne. En septembre, sa présidente, Ursula von der Leyen, a fait de la naissance d’un « BARDA européen » l’une de ses priorités.
L’agence a déjà un nom : HERA. Son objectif sera d'investir le plus tôt possible dans la recherche pharmaceutique et de soutenir les industriels dans leur développement au long cours, avec des accords d’achat anticipés, pour financer des fonds de roulement. « C’est vraiment ce qui nous manquait », salue Franck Grimaud. En mars dernier, les premiers jalons de l’HERA ont été posés, avec le lancement du « HERA incubateur ». 225 millions d’euros pour lutter contre les variants du Covid et approuver rapidement des vaccins adaptés à ces mutations.
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