Après le « quoi qu'il en coûte », maîtriser les dépenses de santé… coûte que coûte ? Alors que la France affronte la cinquième vague épidémique, la Cour des comptes, dans une note sur la santé, exhorte les pouvoirs publics à reprendre sans délai les réformes de régulation « pour faire revenir l’assurance-maladie à un équilibre financier durable », et ce « sans augmenter les impôts ni diminuer les prestations. »
La juridiction estime qu'entre « 4,5 et 6 milliards d'euros d'économies » seront nécessaires chaque année pour résorber les déficits « profonds et durables » creusés notamment par les revalorisations non financées du Ségur de la santé. Et parce que « des marges d'efficience très significatives » existent, les sages de la rue Cambon assignent « des objectifs plus exigeants pour les actions engagées par le ministère de la Santé et l’Assurance-maladie ».
Paramédicaux et actes simples
La Cour juge comme souvent que l'organisation des soins de premier recours doit « être mieux structurée ». Face à un temps médical disponible qui se réduit, elle estime que la « portée » des évolutions comme le travail aidé, les assistants médicaux ou l'exercice coordonné reste « en deçà des potentialités ». « L'offre de soins de premiers recours assurée par des professions intermédiaires comme les infirmières de pratique avancée peine à émerger », s'impatiente la note.
Pis, le regroupement des différents métiers au sein de l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS) « n'est pas parvenu à poser les bases d'un dialogue pluriprofessionnel efficace avec l'Assurance-maladie, faute de pouvoirs d'arbitrages internes ». « Les accords interpro s'ajoutent à ceux profession par profession sans en cadrer les priorités », peut-on lire. Dans ce contexte, la Cour incite l'exécutif à accélérer les délégations de tâches. Il convient de faire évoluer « la définition des compétences des professionnels paramédicaux » et d'« améliorer l'efficience des ressources consacrées par l'Assurance-maladie aux actes simples qui ne nécessitent pas l'intervention d'un médecin ».
Au-delà, pour combattre les inégalités d'accès aux soins, la rue Cambon recycle une de ses vieilles idées : la mise en place du conventionnement sélectif dans les zones surdotées (une arrivée pour un départ) à la fois pour les médecins libéraux installés et pour les remplaçants. Une solution à ce jour écartée par les gouvernements successifs.
Moins de CHU ?
Dans cette réorganisation, les établissements de santé ne sont pas épargnés. Leur éparpillement territorial apparaît « de moins en moins adapté aux enjeux de qualité, de sécurité et de pertinence des soins », note la Cour. Et leur participation au sein des groupements hospitaliers de territoire (GHT), créés depuis 2016 et censés assurer gradation des soins et mutualisation d'activités, n'est pas satisfaisante. « Les logiques propres aux établissements continuent souvent à prévaloir », peut-on lire.
Pour corriger le tir, le périmètre des GHT doit être revu « afin de proposer une offre de soins cohérente », quitte à fusionner des établissements, en particulier la trentaine de CHU qui seraient réduits à « une dizaine ». Toujours en matière de restructuration hospitalière, la Cour suggère de « mettre fin à l'absence persistante de seuils d'activité minimale pour la plupart des actes chirurgicaux (hormis l'oncologie), de relever ceux en vigueur et d'appliquer ceux effectivement fixés ».
Rentes de situation
La Cour propose enfin d'agir sur les tarifs et rémunérations afin de réduire les « rentes de situation ». Dans le viseur de la juridiction financière, on retrouve les dispositifs médicaux (+5 % de dépenses par an), les prescriptions hospitalières exécutées en ville (+22 % en 2019) ou encore les transports sanitaires. L'État est prié d'utiliser les instruments de régulation à sa disposition « avec une intensité accrue » comme celle qui consiste à « peser sur les prix des dispositifs médicaux ».
Le même volontarisme est réclamé dans le domaine des tarifs de soins pour les établissements. La Cour considère ainsi que « les évolutions des nomenclatures tarifaires ne font pas bénéficier suffisamment l'Assurance-maladie des gains de productivité réalisés par les acteurs de santé ». Exemple : lorsque les tarifs des séances de dialyse diminuent – grâce aux baisses de prix des consommables nécessaires au filtrage du rein – la rentabilité des centres de dialyse privés comme des laboratoires d'analyses biologiques reste à un « haut niveau », tacle la Cour.
Paiement à l'acte inflationniste
Concernant les modes de rémunération, la Cour estime une nouvelle fois que le paiement à l'acte (qui représente toujours 93 % chez les médecins de ville) reste inflationniste en favorisant la hausse des volumes de soins. Afin de tenir compte de l'explosion des dépenses des patients chroniques, elle suggère d'expérimenter une enveloppe annuelle individualisée par patient (capitation) et modulée en fonction de l'état de santé et des besoins.
La juridiction propose aussi de renforcer la régulation des dépassements d'honoraires et de privilégier les évolutions conventionnelles forfaitaires « à même de garantir des contreparties mesurables et effectives ». La rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) pourrait être un « cadre privilégié ».
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