Hémopathies malignes : un livre blanc pour « prendre le virage » des traitements oraux

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Publié le 25/11/2016
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Crédit photo : PHANIE

La prise en charge et le traitement des hémopathies malignes connaissent des progrès considérables, avec une place croissante accordée aux thérapies orales ciblées, qui éloignent les patients de l'hôpital. Cette nouvelle donne pose des problèmes en matière de suivi des effets secondaires et de l'observance des patients.

« Nous sommes à un virage qu'il faut bien prendre, sinon ce sera une gabegie », explique le Pr Véronique Leblond, chef du service d'hématologie de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière (AP-HP), auteur avec le Pr Gilles Salles, du centre hospitalier Lyon-Sud (HCL), d'un livre blanc endossé par la Société française d'hématologie.

60 000 à 80 000 euros par an

Les thérapies orales ciblées ne sont pas nouvelles dans le domaine des hémopathies malignes : le Glivec est disponible depuis 2004. « Ce qui a changé, c'est l'arrivée de thérapies orales coûtant 60 000 euros à 80 000 euros par patients et par an, destinées à des malades qui ne sont plus suivis à l'hôpital mais qui bénéficient d'un suivi en ville, guidé par l'hôpital » explique le Pr Leblond. La problématique soulevée dans le livre blanc est d'autant plus prégnante que les patients sont le plus souvent âgés, 72 ans en moyenne, poly-médicalisés et atteints de nombreuses comorbidités, susceptibles donc d'avoir une très mauvaise observance.

Les deux principales pathologies citées dans le livre blanc sont la leucémie myéloïde chronique (LMC) et la leucémie lymphoïde chronique (LLC), parce que les patients atteints passent fatalement par un suivi uniquement assuré en ville. « La LLC, c'est 4 000 nouveaux cas par an, dont 20 % seulement nécessitent un traitement d'emblée, indique le Pr Leblond. Sur les 80 % restant, la moitié n'aura jamais besoin de traitement. Avec l'ibrutinib, dont l'AMM est en cours d'obtention, tous les patients seront éligibles à un traitement oral de première ligne en ambulatoire. Il n'y aura donc plus cette hospitalisation de jour qui est sécurisante. »

Le suivi doit pourtant être correctement assuré, puisque la moitié des malades présentent un risque d'interaction médicamenteuse, 10 % ont besoin d'un suivi psychosocial, 10 % présentent un risque de complication hépato-gastrique et 19 % courent un risque d'infection.

Améliorer la communication ville hôpital

Les auteurs du livre blanc proposent d'impliquer d'avantage les acteurs de la médecine de ville et de mettre au centre du dispositif des infirmières cliniciennes chargées du suivi. Ils suggèrent aussi de développer des structures de coordination ville/hôpital et de réaliser des consultations pluridisciplinaires impliquant pharmacien hospitalier, infirmière et hématologiste.

La première consultation servira à évaluer le profil et le niveau d'autonomie du patient. « Nous avons construit des scores de vulnérabilité, et on teste en ce moment une fiche de vulnérabilité du patient, poursuit le Pr Leblond, les médicaments vont finir par quitter l'hôpital pour la médecine de ville, il faut donc que les pharmaciens d'officine soient formés. Nous avons mis l'infirmière coordinatrice au centre du dispositif et pas le médecin généraliste, qui est déjà surchargé et dont seule une petite partie de la patientèle est concernée. »

De telles initiatives ont déjà été lancées en France, mais de façon « ponctuelle et limitée », notent les auteurs du livre blanc. Une telle organisation des soins suppose une valorisation du suivi à distance. « Il y a bien une consultation de primoprescription des thérapies par voies orales, valorisée à hauteur de 90 euros, mais le suivi que nous essayons de mettre en place doit encore se faire à budget constant ».

Les promoteurs du livre blanc vont désormais l'adresser à la Haute autorité de santé (HAS), à L’INCa puis aux parlementaires. « Nous avons inclus une petite partie médico-économique qui montre qu'on évite des réhospitalisations avec cette nouvelle organisation des soins », ajoute le Pr Leblond.


Source : lequotidiendumedecin.fr