Le constat est brutal : durant les vingt dernières années, environ 180 000 médecins et infirmiers italiens sont partis s’installer à l’étranger. Soit une moyenne de plus de 1 000 médecins et 800 infirmiers par an. La majorité des soignants qui quittent l’Italie, s’installent en Europe. La France, la Belgique ou encore la Suisse et l’Allemagne sont les destinations principales de l’exil de ces médecins. Avant le Brexit, les médecins s’installaient également au Royaume-Uni. Mais le durcissement des conditions d’accueil les pousse désormais à poser leurs valises dans d’autres pays comme les États-Unis ou encore Israël. Selon la Fédération nationale des Ordres des médecins, FNOMCeO, leurs motivations sont identiques à celles de leurs confrères qui abandonnent leurs services pour se reconvertir dans le privé ou s’inscrire auprès des coopératives spécialisées dans l’intérim médical.
Arrêter l’hémorragie
Les soignants remettent en question la charge de travail trop importante en milieu hospitalier, le manque cruel de perspectives et les rémunérations insuffisantes. Ils pointent aussi du doigt la sécurité sur les lieux de travail et l’insuffisance des investissements qui pénalise l’ensemble du système de santé et bloque les recrutements. Contrairement à la plupart de ses partenaires européens ou encore des pays du G7, la Péninsule consacre seulement 9,6 % de son PIB à la santé, selon les statistiques de l'OCDE. Un chiffre largement en dessous de la moyenne européenne. En France, le chiffre est de 12,2 %. Selon une étude réalisée par le syndicat des médecins et des cadres de la santé italienne (ANAAO), le malaise des praticiens est nettement plus palpable dans le sud du pays (64,2 %) et les îles de la Sicile et Sardaigne (64,2 %) que dans les régions du nord (53,6 %). Cette perception différente s’explique par la question notamment des investissements insuffisants à l’échelle nationale mais plus encore dans les régions du sud ce qui génère un système à deux vitesses au niveau des soins, des structures et du nombre de médecins. Pour le Dr Orazio Schillaci, ministre de la Santé du gouvernement d’extrême-droite dirigé par Giorgia Meloni, la situation est devenue particulièrement inquiétante. Ces départs fragilisent le service public déjà mis à mal par le nombre de plus en plus élevé de démissions des médecins hospitaliers qui a atteint un niveau historiquement haut depuis le début de la pandémie de coronavirus.
La FNOMCeO estime qu’environ 100 000 médecins seraient prêts à abandonner le public d’ici 2028. Dans ce contexte, mettre un terme à l’exil médical est devenu une priorité pour le ministère de la Santé. « Il faut arrêter l’hémorragie, nous ne pouvons pas nous permettre une telle fuite de capital humain, si nous n’investissons pas, nous continuerons à former des cerveaux qui partiront ensuite à l’étranger pour des raisons économiques », a averti le ministre de la Santé italienne qui pose aussi sur la table la question importante du manque d’attractivité de la profession pour les jeunes. « Nous devons mettre en place une nouvelle ligne politique de développement et convaincre les jeunes qu’ils peuvent trouver leur place en Italie et concrétiser leurs rêves », a déclaré le Dr Schillaci.
Fin du numerus clausus ?
Une des possibilités serait d'intervenir au niveau des universités en revoyant par exemple le processus d’admissions dans les facultés de médecine. Mais cette proposition soulève certaines perplexités notamment du côté de la FNOMCeO. « Dire totalement adieu au numerus clausus n’est pas la solution, il faudrait intervenir au niveau de la formation et de la spécialisation, des secteurs trop cloisonnés », plaide le Dr Filippo Anelli, président de FNOMCeO. Durant les dernières années en effet, des milliers de jeunes diplômés qui ne pouvaient pas s’inscrire en spécialisation et trouver un emploi ont décidé de partir terminer leurs études à l’étranger et de s’installer ensuite. En revanche, CIMO, un autre syndicat de médecins préfère reprendre les propos du ministre de la Santé pour tirer la sonnette d’alarme. « L’exode médical est un drame pour le pays et le système de santé, aux départs des confrères s’ajoute la question des démissions de plus en plus fréquentes. Dans ce contexte il est évident que la pénurie de soignants va s’aggraver. À ce rythme, qui va soigner les Italiens ? », s’est interrogé le Dr Guido Quici, président de CIMO. La solution serait par conséquent de commencer par revoir la question des investissements. Pour le moment, tous ces appels sont restés lettre morte. Visiblement, le chapitre santé ne fait pas partie des priorités du gouvernement d’extrême-droite qui n’a pas été plus généreux que ses prédécesseurs en rédigeant son budget 2023 malgré les réclamations des soignants qui se mobilisent ponctuellement pour se faire entendre.
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