Seul syndicat à ne pas s'être encore officiellement prononcé sur le projet de convention médicale, la CSMF réunit ses troupes à cet effet, ce week-end à Paris. Cette AG extraordinaire doit colliger les votes des branches locales de la Conf' pour donner l’avis définitif de la centrale sur le texte conventionnel, déjà rejeté par tous les autres syndicats, et élaborer des propositions en vue du règlement arbitral.
Ce vote tardif – la date butoir sur la signature était prévue le 28 février – est lié aux statuts de la CSMF, alors que les autres organisations avaient donné leur avis fin février. « Il fallait respecter le formalisme, mais la réponse ne fait pas vraiment de doute ! », balaye le Dr Bruno Perrouty, neurologue, président de la branche spécialiste.
Rejet massif
Début mars, dans un communiqué actant l'échec des négociations, le Dr Franck Devulder, président de la CSMF, avait déjà résumé la position confédérale, entre colère et amertume. « Quel gâchis… Osons comparer les milliards déversés depuis trois ans sur un hôpital en souffrance et les 700 millions d’euros proposés à la médecine de ville. La CSMF demande au gouvernement de rétablir la confiance avec les médecins libéraux. Cela nécessite de revoir la copie afin de donner à la médecine libérale les moyens de s’organiser pour soigner tous les Français. »
De fait, depuis une semaine, toutes les remontées de terrain traduisent, à la CSMF aussi, le rejet puissant de ce projet de convention par les adhérents. « Le conseil d’administration des Spécialistes-CSMF a réuni l’ensemble des verticalités qui ont exprimé une position négative sur ce texte conventionnel », révèle le Dr Perrouty. « Ce week-end, le vote sera massivement contre la convention », anticipe aussi le Dr Luc Duquesnel, chef de file de la branche généraliste.
Contre un texte qui suggère… que les médecins ne s'engagent pas
Des assemblées générales dans les départements et régions ont été organisées, comme en Corse où l’antenne locale a annoncé le 8 mars qu’elle voterait contre un texte qui « tend à laisser penser que les généralistes ne sont pas engagés sur le territoire ». Le président de la branche corse, le Dr Laurent Carlini, dénonce plus largement un « manque de reconnaissance » et une « proposition méprisante de revalorisation de 1,50 euro ».
Lundi dernier, les adhérents de la région Centre-Val de Loire ont eux aussi rejeté à « 100 % la signature de la convention », précise la Dr Sylvaine Le Liboux, secrétaire générale des Généralistes-CSMF. « Les médecins ont l’impression d’être méprisés, ils ne se sentent pas reconnus dans ce qu’ils font sur le terrain », poursuit la généraliste de l’Indre. Dans le reste de la France, le résultat des votes « oscille entre 100 %, 80 % et 60 % de rejet », raconte le Dr Luc Duquesnel.
Les adhérents de la CSMF ne digèrent toujours pas, principalement, le principe d'engagement territorial réclamé par la Cnam, conditionnant l'accès à une grille de tarifs supérieurs. « C’est ahurissant de penser que, dans le même lieu d’exercice, certains médecins pourront coter 30, 40 ou 60 euros, tandis que d’autres seulement 26,50 euros », se désole le Dr Duquesnel. Pour le généraliste mayennais, « impossible de signer » dans ces conditions. Et pourtant, concède-t-il, « certaines revalorisations n’étaient pas anodines »… De surcroît, les confrères qui cochaient déjà les cases de l’engagement territorial (PDS, file active, travail le samedi, CPTS…) « sont conscients de tout ce qu’ils vont perdre en l’absence de convention », poursuit-il.
Critères « insupportables »
Chez les spécialistes de la Conf', même son de cloche. « Comment un syndicat de spécialistes responsable pourrait-il dire oui ? », martèle le Dr Bruno Perrouty, irrité aussi par la forme des échanges avec la caisse : « Nous n’avons pas négocié, on nous a présenté des diapositives ». « Au bout du compte, j'ai eu l'impression qu’on ne faisait pas confiance aux libéraux pour améliorer l’accès aux soins », regrette le neurologue libéral.
Le Dr Perrouty rejette lui aussi le schéma d'engagement territorial « car l’immense majorité des spécialités n’auraient pas pu cocher la troisième thématique ». Dans ce volet baptisé « participation aux besoins de soins du territoire », la caisse proposait notamment aux spécialistes de participer à la permanence des soins en établissement de santé (PDS-ES) ou au service d'accès aux soins (SAS) universel. « Mais si vous n’êtes pas en établissement, vous ne pouvez pas faire de PDS-ES et dans la plupart des départements, il n’y a pas de SAS ! », s'agace-t-il. Même blocage sur l'indicateur de travail avec une infirmière en pratique avancée (IPA), situation rarissime pour les spécialistes. Des critères « insupportables », « presque provocateurs », juge-t-il. « Seuls 10 % des spécialistes auraient pu cocher les deux critères requis dans cette thématique 3 ». Faute de quoi, les spés n’auraient pu bénéficier que de majoration transversale (inconditionnelle) de 1,50 euro sur leurs actes cliniques. « Plus grave, la Cnam a supprimé au passage les consultations complexes et très complexes », déplore-t-il.
Le « gâchis », et maintenant ?
À l’issue de quatre mois de négos vaines, le Dr Bruno Perrouty déplore « un gâchis ». « C’est dramatique car nous étions prêts à augmenter notre file active et à participer aux soins non programmés », martèle-t-il. Plusieurs cadres syndicaux expliquent que la CSMF, syndicat historiquement conventionniste, avait soigneusement préparé ces négociations, avec un projet pertinent autour de la hiérarchisation des consultations. « Quelle frustration, quelle souffrance pour les médecins qui attendaient beaucoup de cette convention ! », fustige le Dr Luc Duquesnel, au nom de la branche généraliste.
Jeudi, la CSMF a pu échanger avec l’arbitre, Annick Morel, chargée de rédiger un règlement arbitral qui fera office de convention jusqu’à la réouverture des négociations sous deux ans. Une arbitre « à l’écoute », positive le Dr Duquesnel, « et qui a la volonté d’aller très vite dans la rédaction du règlement ». « La négociation a été un échec, synthétise le Dr Perrouty. Il ne faudra pas rater le règlement arbitral, sinon on mettra définitivement en péril l’accès aux soins de nos compatriotes. »
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