Entre multiplication des associations et des diverses instances de représentation d’une part, absence de régulation des grandes consultations citoyennes d’autre part, la démocratie participative en santé patine.Et la révolution numérique risque encore de chambouler le futur « contrat sanitaire ».
« C’est une perversion du système français : il y a bien trop d’acteurs associatifs », dénonce Christian Saout (HAS). Tout le monde en convient. « Cette pléthore d’intervenants ne bénéficie à personne, elle brouille le débat en multipliant les initiatives sans lien entre elles », confirme Bernadette Devictor (CNS). De surcroît, observe Claire Compagnon, « les représentants des usagers ont nettement vieilli ces dernières années, alors que les nouveaux outils numériques ont fait leur apparition. »
L’automne dernier, l’affaire du Lévothyrox a été révélatrice d’un court-circuit des associations traditionnelles par les réseaux sociaux. Plus de 20 000 pétitionnaires se sont rué sur la plateforme change.org , prenant de vitesse les circuits traditionnels de la représentation des patients. « Ceux-ci doivent aujourd’hui en tirer les conséquences », estime Christian Saout. « En fait, répond Alain-Michel Ceretti (France Assos Santé), chacun est dans son rôle : les sites de pétition en ligne permettent d’alerter très vite et ils donnent un sacré coup de vieux aux systèmes de surveillance classique de l’ANSM. Mais ils ne sont pas en capacité de décoder les dysfonctionnements qu’ils révèlent. Ils ne concurrencent donc pas nos associations sur le terrain de l’analyse et de la recherche de propositions. »
12 000 associations dans le champ sanitaire, 3,5 millions d’encartés.
Le président de FAS avait été chargé en 2004 de mettre en place une procédure d’agrément afin de limiter la prolifération des associations, dont certaines étaient alors noyautées par les sectes. Sur les 7 000 recensées à l’époque, 120 bénéficièrent de l’agrément national. Un filtrage sévère, mais qui reste insuffisant, alors qu’Alain-Michel Ceretti évalue à quelque 12 000 le nombre des associations qui évoluent aujourd’hui dans le champ sanitaire.
« Le problème, c’est qu’à chaque fois qu’on propose des regroupements, tout le monde gueule », regrette Christian Saout. La solution pourrait être imposée dans le cadre de la réforme de la constitution, avec un CESE (Conseil économique, social et environnemental) qui deviendrait, selon l'annonce faite par Emmanuel Macron en janvier, "la chambre du futur, chambre par et pour la société civile" et ferait l'interface entre le monde politique et le monde associatif. Une restructuration qui inquiète : « Il ne faudrait pas basculer du trop dans le trop peu », s’inquiète déjà Bernadette Devictor.
Les quelque 3,5 millions d’encartés associatifs ne sauraient aujourd’hui confisquer la parole. Le débat s’ouvre régulièrement au grand public : états généraux de la santé, impulsés par Bernard Kouchner en 1999, assises nationales du médicament (2011), grande concertation citoyenne sur la vaccination (2016), et états généraux de la bioéthique cette année jalonnent l’histoire de la démocratie participative en santé. Non sans faire l’objet de sérieuses critiques. « La concertation sur le vaccin a été l’anti-démocratie médicale », s’insurge le député (LFI) François Ruffin.
« Il faudrait créer une plateforme du débat public », suggère Bernadette Devictor. « Pour réguler la procédure, la loi pourrait en confier la compétence soit à la HAS, soit à la CNDP (Commission nationale du débat publique) », propose Christian Saout. Sans quoi, déplore l’ancienne ministre Dominique Gillot, « les lobbies vont continuer à pervertir le système démocratique, comme on l’a encore vu lors des états-généraux de bioéthique, avec des groupes de pression issus de la Manif pour tous. La parole du citoyen-usager lambda a été squeezée. »
Désertification, Progrès médicaux, crises sanitaires, financement de la Sécurité Sociale, défis bioéthiques, réglementation de la santé publique, santé connectée : autant de sujets aux enjeux politiques cruciaux, autant de défis à relever pour la démocratie en santé, alors que la révolution des nouveaux outils numériques, réseaux sociaux et algorithmes, chamboule le système. Et le complexifie. Comme le souligne le dernier avis de la CNS : « nous ne sommes pas égaux pour accéder à l’information, comprendre, évaluer et communiquer ». Liberté, égalité, santé, le combat continue.
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