Quand l'hospitalisation précipite la dépendance

Le cri d’alarme des gériatres

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Publié le 09/11/2017
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

« L’organisation des soins en gériatrie est objectivement de mauvaise qualité en France. Si notre système sanitaire est bon sur le plan curatif, il n’est pas adapté aux besoins de santé publique liés au vieillissement », considère le Pr Olivier Guérin, gériatre chef de pôle au CHU de Nice et vice-président de la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG).

« Le système hospitalier et le système de santé maltraitent globalement les personnes âgées, au sens d’une sous-efficience, d’un manque de vision et de connaissance du monde sanitaire », ajoute le spécialiste qui pointe « la dépendance iatrogène » liée aux hospitalisations évitables des personnes âgées en situation de fragilité. En bout de chaîne, les gériatres constatent « la casse » sur ces patients âgés et très âgés présentant une polypathologie chronique importante. « On les voit à l’occasion de décompensation d’une maladie qui fait en général décompenser les autres pathologies à côté », décrit le Pr Guérin. Une fois la personne âgée hospitalisée, le risque de perte d’autonomie est réel. « Si un patient reste 3 jours dans un lit, à 90 ans pour une bronchite, il ne remarche plus ensuite et ne se relève pas. Il va falloir des semaines de rééducation pour le remettre sur pied », explique-t-il. Une situation « inacceptable » pour le gériatre.

Parcours ville/hôpital

« On est en train de quitter le monde curatif pour le fonctionnel. Le déterminant clé de bonne santé d’une population, c’est désormais son autonomie », fait remarquer le Pr Guérin. « En principe, il ne faudrait pas que ces patients âgés franchissent la porte de l’hôpital autant que faire se peut. Une organisation optimale de la prise en charge devrait permettre d’étendre la prévention secondaire des décompensations à domicile », indique le gériatre. Puis, si nécessaire, « une fois la porte de l’hôpital franchie pour ces patients, il faut que l’on soit bon car on sait maintenant qu’on a 30 % de dépendance iatrogène sur ces profils de polypathologiques », poursuit-il. Alors que d’ici à 2030, 40 % des patients arrivant aux urgences seront polypathologiques, « nous avons besoin de structurer les urgences avec un flux de gériatrie mieux maîtrisé », estime le Pr Guérin qui préconise en premier lieu l’inclusion de gériatres dans la régulation du 15. En gériatrie, comme ailleurs, l’amélioration des parcours de soins nécessite de rendre effectif le partage d’informations entre les professionnels. « Nous avons besoin d’un décloisonnement complet de l’information entre la ville et l’hôpital. On ne peut pas rendre robuste un parcours de soins si les professionnels n’échangent pas entre eux », insiste-t-il.

Leviers numériques

Autre enjeu majeur, développer les outils e-santé pour mieux prévenir les situations de décompensation chez les patients seniors. « À la SFGG on a collaboré avec la Société française télémédecine pour mettre en place un programme de déploiement à destination des sujets âgés », explique le gériatre. En cours de finalisation, ce programme prévoit de s’appuyer sur le maillage territorial des maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) pour développer les outils numériques et restructurer la prise en charge de ces seniors à forts risques de perte d’autonomie. En médecine de premier recours, le Pr Guérin recommande par ailleurs l’abandon total de la rémunération à l’acte pour ces patients au profit de forfaits de parcours. L’amélioration des relations entre généralistes et gériatres est enfin souhaitée. « Il faut que les gériatres se mettent au service des médecins traitants, via les plateformes territoriales d’appui (PTA) par exemple. Mais il faut aussi que les médecins traitants comprennent mieux quelle est notre place dans le système », ponctue le Pr Guérin.

David Bilhaut

Source : Le Quotidien du médecin: 9617