LE QUOTIDIEN : Comment évaluez-vous le nombre de refus de soins ?
FLORENT GUEGUEN : A l'échelle nationale il n'y a pas de données fiables et actualisées sur les refus de soins. Mais nous avons de multiples témoignages remontés par nos commissions d'usagers dans lesquels des individus racontent ne pas réussir à obtenir un rendez-vous chez le généraliste ou le spécialiste, ou alors avec un délai anormalement long. Des affiches mentionnant clairement la non prise en charge de patients bénéficiaires de la CMU-C et de l'AME sont parfois apposées dans les cabinets médicaux. D'autres "remontées" proviennent des travailleurs sociaux qui ont de grandes difficultés à obtenir un rendez-vous médical pour leur suivi. Ils ont même dû fonder leur propre communauté de médecins qui acceptent de soigner des personnes précaires.
Estimez-vous que les médecins sont plus décomplexés qu'auparavant en matière de refus de soins ?
Oui la démarche est plus décomplexée. À partir du moment où des médecins déclarent sur leurs profils « Doctolib » ou « Monrdv » qu'ils ne prennent pas de bénéficiaires de la CMU-C et de l'AME, cela témoigne d'une banalisation et de l'oubli de certains principes déontologiques. Finalement, ces médecins assument de ne pas recevoir des personnes précaires. À cela s'ajoutent les pratiques détournées de refus de soins. Le phénomène est massif, répétitif et décomplexé. Saisir le Défenseur des droits a été une manière de déclencher une prise de conscience sur cette discrimination sociale. L'Ordre doit prendre maintenant ses responsabilités et sanctionner les médecins.
Que proposez-vous ?
Nous recommandons de créer un observatoire autonome et indépendant permettant de mesurer ces discriminations. Les commissions découlant de la loi de santé sont présidées par les Ordres professionnels. Or, nous doutons de leur efficacité car les Ordres restent opposés aux opérations de « testing », outil qui permet d'évaluer ces discriminations et à terme de changer les pratiques.
Il y a aussi un effort de pédagogie à faire auprès des professionnels pour rappeler l'obligation de soigner. Il faudrait également améliorer les mécanismes de remboursement de la Sécurité sociale pour qu'aucun médecin ne soit lésé. Enfin, nous sommes favorables au développement de formations croisées entre praticiens et travailleurs sociaux sur l'accompagnement des patients précaires.
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