Le scénario définitif de réorganisation du CHU de Guadeloupe, a été officiellement présenté hier soir par le Dr Valérie Denux, directrice générale de l'ARS, près de 6 mois après l'incendie qui a ravagé la tour sud du bâtiment. Le plan présenté par l'ARS prévoit une délocalisation partielle de certains services et une réintégration partielle d'autres services.
À l’exception des services de médecine C et de médecine polyvalente, le pôle de médecine et des spécialités médicale sera installé dans la clinique de Palais Royal. Les activités du pôle mère-enfant, hébergées pour l'heure à la polyclinique des Abymes, seront transférées à la clinique de la route de Port Royal, en attendant la construction du nouveau CHU à Perrin. Le nettoyage et la réhabilitation se feront par zone, et la réintégration se fera « en mode nouveau CHU de façon à ce qu'on soit prêt dans 5 ans », précise le Dr Denux. Le plateau technique, voué à rester sur le site de l'ancien CHU, sera nettoyé et décontaminé pendant « 6 mois minimum » afin de réintégrer le plus vite possible « les blocs opératoires et les urgences », précise le Dr Denux.
Démission du chef de pôle médecine spécialisé
Ce plan suscite des réactions mixtes au sein de l'établissement. Le Dr Gilbert Cadelis, chef du service de pneumologie, a ainsi démissionné de son poste de chef de pôle de la médecine et des spécialités médicales. Il considère que la délocalisation des spécialités médicale dans la clinique Palais Royal empêchera la prise en charge de patients graves dans des circonstances satisfaisantes. « Cette structure ne dispose pas de service d’urgence, ni service de réanimation, ni de plateau technique, explique-t-il au « Quotidien ». Les services de réanimation sont restés au CHU. »
Les objections du Dr Cadelis sont qualifiées « d'allégations » par le Dr Denux. « En pneumologie, seule une partie des patients en cardio-pneumologie sont instables et seront hospitalisés dans un pool de "lits chauds" au CHU, près de la réanimation. » Le Pr Suzy Duflo ajoute qu'un camion du SAMU, « avec du personnel formé de façon adéquat », sera prépositionné.
Tetris géant
Concernant les travaux prévus pour décontaminer certains étages du CHU en site occupé, « il est illusoire de croire que l'on peut avoir un confinement très strict dans un hôpital », explique le Dr Mona Hedreville, cardiologue et porte-parole du collectif de défense du CHU. « Il va falloir sortir la pédiatrie des 8e et 9e étages le temps des travaux mais on ne sait pas où les mettre. Les 2 premiers étages de la tour nord vont être condamnés, donc les services de médecine déjà trimbalés d'un établissement à l'autre vont devoir se trouver une place dans la tour sud où un seul ascenseur fonctionne… on joue à Tetris ! », ironise-t-elle. L'unité d'hospitalisation de courte durée du service des urgences est actuellement hébergée sous une tente prêtée par la sécurité civile. « La sécurité civile nous a demandé de lui rendre son matériel, mais on ne sait pas où mettre les lits », ajoute le Dr Hedreville.
Problèmes de communication
Les médecins interviewés reprochent le manque de discussions et de transparence dans la gestion de la crise par l'ARS. « Aucun entretien ne m’a été proposé pour définir une sécurité minimale », s'insurge le Dr Cadelis. « Tous les chefs de pôle ont été consultés, réagit, en colère, le Dr Denux. J'ai rencontré très régulièrement la commission médicale d'établissement. » Des propos confirmés par le Pr Suzy Duflo, présidente de la Commission médicale d'établissement du CHU : « Il y a eu beaucoup de discussions médecins et ARS autour des points difficiles, raconte-t-elle. Nous allons créer une autre façon de pratiquer la médecine, cela va modifier pas mal d'habitudes. »
Le Dr Hedreville ajoute pour sa part qu'« aucune évaluation de l'impact sur la morbimortalité* ne nous a été communiquée, ni de chiffres sur le nombre départs volontaires de patients ou d'évacuation sanitaire vers la métropole. Nous voulons les chiffres de réhospitalisation et de mortalité. »
Sauve qui peut
Conséquence des difficultés rencontrées par le CHU : de nombreux praticiens ont quitté l'hôpital. « En cardiologie, nous avons eu un départ qui s'ajoute à 3 autres départs avant l'incendie, dénombre le Dr Hedreville. Il y a également eu une démission dans le service de neurologie et plusieurs autres en anesthésie et en chirurgie pédiatrique », énumère-t-elle. Le chef de service des urgences va bientôt partir, complète le Dr Cadelis, et tous les médecins spécialistes me disent qu'ils vont partir s’ils ne peuvent pas exercer leur spécialité correctement. » L'agence nationale de santé publique a lancé des appels à candidature afin de colmater les brèves par des vacations temporaires.
* Contactée par le « Quotidien », le Dr Valérie Denux, directrice de l'ARS, explique que l'analyse de l'ensemble des actes des décès survenus dans l'Île entre décembre 2017 et mars 2018 n'a pas montré de lien entre chacun de ces décès et un défaut de soin au sein du CHU.
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