La pyramide des âges des médecins en Espagne ressemble à celle de la France. Chaque année, plus de 7 000 praticiens partent à la retraite. Et les internes réclament aussi de meilleures conditions de travail. Pour le Dr Juan Jimenez, secrétaire général de l’association MIR (médecins internes résidents) d'Espagne (AME) et interne en psychiatrie à l’Hôpital Virgen de las Nieves de Grenade, « en plus d’un salaire de base à la limite du supportable surtout dans certaines régions, notre travail est soumis aux nécessités du service au détriment de nos besoins de formation ». Le salaire brut d’un interne espagnol tourne autour de 1 200 euros par mois, somme à laquelle se rajoutent les gardes (trois ou quatre par mois selon les régions sont obligatoires).
Les conséquences de cette organisation sur la formation des futurs spécialistes, le Dr Victor Afán, interne en médecine générale à l’Hôpital La Fé (à Valencia) les rappelle : « pour que notre salaire devienne acceptable, nous devons assurer des gardes supplémentaires et le temps que nous devrions consacrer à notre formation diminue d’autant car se former au contact des patients est une chose, qu’il ne faut pas confondre avec la participation à un congrès ou l’étude théorique de cas cliniques ».
Et comme le manque de médecins est déjà sensible dans certaines régions, surtout dans les centres de santé des grandes villes comme Madrid ou Barcelone, les internes de quatrième année en médecine générale sont régulièrement utilisés pour remplacer un médecin titulaire absent et travaillent alors sans supervision. À Barcelone, le Dr Alejandro Tejeira insiste quant à lui sur la surcharge de travail pendant les gardes nocturnes aux urgences hospitalières. « Les internes se retrouvent souvent tout seuls » déplore-t-il. Surcharge ou désorganisation ? À Madrid, raconte Ana, en quatrième année, c’est parfois un autre interne qui doit, en l’absence du médecin responsable, signer le rapport qui met fin à la prise en charge du patient.
Surenchère salariale
Les gouvernements régionaux, compétents pour la gestion du système public de santé, croient parfois trouver la solution en se lançant dans une surenchère salariale pour attirer les internes. La Catalogne, par exemple, leur accorde ainsi depuis mai 2022 un bonus annuel de 5 000 euros pour se former à Barcelone et dans sa banlieue et jusqu’à 9 000 euros pour le faire dans les secteurs plus périphériques de la région.
Mais en plus de ces problèmes de salaire et d’organisation du travail, les internes espagnols attachent de plus en plus d’importance à la qualité de leur contrat d’embauche à la fin de l’internat, maintenant que les précaires « contrats Covid » ont pris fin en mars dernier. La Dr Maite Soriano, qui a terminé son internat à l’Hôpital Fondation Alcorcon dans la banlieue sud de Madrid en mai 2020, est passée par ce type de contrat et a préféré, en avril dernier, refuser le contrat d’intérim qu’on lui proposait. « J’avais un master en médecine d’urgence et j’ai finalement trouvé un poste qui me convient dans les soins intensifs en ambulance, à Madrid » raconte-t-elle.
Et les revendications des internes s’accumulent, comme dans les spécialités chirurgicales où ceux-ci se heurtent à une difficulté particulière. Ils ne mettent pas beaucoup les pieds dans les blocs opératoires et sont cantonnés dans le travail en salles de récupération post-intervention, un travail qui n’intéresse guère les chirurgiens qui les forment.
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