LE QUOTIDIEN : En quoi la vaccination par les pharmaciens présente un intérêt en termes de santé publique ?
Dr ANNE MOSNIER : La couverture vaccinale des personnes ciblées par la campagne de vaccination antigrippale, celles qui sont à risque de forme grave, est restée désespérément basse en France ces dernières années. Chaque année, environ douze millions de personnes sont concernées par la campagne. Seulement une petite moitié d’entre elles s'est fait vacciner l’an passé. Il reste encore six millions de patients à ramener vers la vaccination ! Pour atteindre cet objectif de santé publique, qui repose principalement sur les médecins et les infirmiers, pourquoi ne pas ouvrir la vaccination antigrippale aux pharmaciens ? Il s’agit clairement d’une troisième voie qui pourrait permettre d’élargir la couverture vaccinale.
Soyons clairs. Le but de cette démarche est de motiver les patients à risque, réticents à la vaccination, pour les ramener vers le vaccinateur quel qu’il soit. L’évaluation finale devra faire la preuve d’une hausse effective de la couverture vaccinale et non d’un simple transfert de tâches du médecin ou de l’infirmier vers le pharmacien. Si, au final, on ne vaccine toujours que six millions de patients à risque, je ne vois pas l’intérêt à ce que cela soit fait par trois professions au lieu de deux.
La formation des pharmaciens est-elle suffisante ?
Elle dure une journée et commence par une partie théorique pour faire le point sur la grippe, les recommandations, les vaccins. Une session est ensuite consacrée à l’argumentation. Face aux questions des patients, il s’agit de travailler avec les pharmaciens sur des réponses précises et scientifiquement robustes à donner au comptoir. La dernière partie concerne la pratique. Les pharmaciens s’entraînent à piquer sur des bras de mannequins. La journée est très dense ! Ce format de formation me paraît donc un peu court pour aborder tous les points utiles. Il faudrait deux jours minimum pour permettre aux pharmaciens de se sentir plus solides sur un certain nombre de points comme la gestion des urgences en cas de réaction anaphylactique.
Fallait-il aussi autoriser les pharmaciens à vacciner les personnes « non à risque » ?
À mon avis, pas pour l’instant. L’objectif de l’expérimentation est un objectif de santé publique et concerne les personnes fragiles, à risque de formes graves de la grippe. Si on élargit aux personnes non à risque, ce ne sera plus un objectif de santé publique mais plutôt un service supplémentaire que les pharmaciens pourront proposer aux patients. Atteignons déjà le premier objectif.
Les médecins sont frileux au sujet de cette expérimentation. Partagez-vous leur crainte ?
Pour le médecin, ce dispositif est certainement compliqué à gérer dans le contexte actuel de défiance des patients vis-à-vis de la vaccination. Chaque acte vaccinal est pour lui un moment clé pour rediscuter de la vaccination.
Plus on multiplie les opérateurs autres que le médecin, moins ce dernier maîtrise le message délivré aux patients. Son inquiétude est compréhensible. Cette crainte est d’autant plus forte aujourd’hui que le retour d’informations de la part des pharmaciens dans le cadre expérimental est embryonnaire.
Cette expérimentation a du sens mais elle a été vite lancée, avec une mise en avant du pharmacien alors qu’on aurait dû s’appuyer sur l’interprofessionnalité. Cela aurait évité que médecins et infirmiers se sentent écartés et aurait facilité l’atteinte, tous ensemble, de l’objectif final : la hausse de la couverture vaccinale des personnes à risque.
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