C’est bien le titre que j’ai lu le 22 novembre dans « Le Quotidien du Médecin ». Il n’est pas douteux que les méthodes d’Emmanuel Macron ont atomisé l’échiquier politique. Pour autant, le programme santé de la société civile du Pôle Santé d’Objectif France dont je suis responsable, est parfaitement abouti. Mais j’en viens au fond… On attendait une refonte de notre système de santé et on a eu un catalogue de 54 mesures.
Le diagnostic est bon. C’est en France que le reste à charge des ménages pour leur santé est le plus faible. Le nombre de consultations de généralistes a baissé de 15 % en 15 ans. La France consacre à la santé plus de 11,5 % de son PIB. L’hôpital de proximité ne fonctionne qu’avec des médecins vacataires payés très cher et avec 10 % de médecins diplômés à l'étranger.
Le système souffre de cinq maux chroniques : une formation insuffisamment professionnalisante, un défaut de prévention et de prise en charge des maladies chroniques, un hospitalo-centrisme forcené, la surcharge des urgences hospitalières, et les déserts médicaux.
Parmi celles annoncées, quelques mesures sont bonnes. Ainsi, 40 000 étudiants vont effectuer cette année leur service sanitaire pour enseigner les bonnes pratiques de prévention. C’est vrai aussi qu’on peut regagner du temps médical, avec des professionnels qui effectuent pour les médecins des gestes simples et une partie des tâches administratives. Saluons aussi la volonté de remettre le médecin au cœur de la gouvernance en associant mieux la CME aux décisions de l'hôpital. Mais le retour des « services » hospitaliers et du « pouvoir médical » tient de la calinothérapie.
Manque d'ambition...
En fait, l’ensemble démontre un manque d’ambition. Plan vélo, développer le bio, interdire les néonicotinoïdes, développer le petit-déjeuner dans les écoles défavorisées ? Très bien. Mais il s’agit de prévention primaire uniquement. À l’instar du plan cancer, il faut des plans Alzheimer, diabète, autisme, handicap…
Et puis, on veut arrêter d’opposer hospitaliers et libéraux, généralistes et spécialistes, médecins et autres professionnels de santé, en construisant un fonctionnement enfin collectif. Très bien, mais comment ?
Ensuite, le numerus clausus sera donc supprimé. Mais à quel moment s’exercera la sélection ? Si c’est en 6e année, six ans auront été perdus au lieu d’un. Si c’est en 1re année, sur quels critères ? S’il n’y a pas de sélection, nous revivrons les années 1968, à 59 000 médecins en 1967, puis 140 000 en 1973. La formation à la médecine doit se faire les deux premières années sur des fondamentaux. Les passerelles au-delà exposent à une méconnaissance de la base de notre métier.
L’offre de services numériques est par ailleurs affichée. Mais il faudrait créer de nouveaux métiers, promouvoir l’IA, montrer qu’on a perçu les changements phénoménaux de la médecine dans les 5 à 10 ans qui viennent, avec les sciences cognitives et les métiers algorithmiques.
Par ailleurs, remplacer la T2A par un financement au forfait ne va rien résoudre. Et que dire des urgences non vitales, prises en charge à l’avenir en ville par les professionnels organisés dans leur communauté professionnelle, en lien avec leur hôpital de proximité ? Une piste creuse, qui ne compense pas le risque de dilution de la maison de santé dans le dispositif des CPST…
Quant aux vaccinations, qui peuvent se faire par les pharmaciens, cela ne suffira pas à éviter la mort des pharmacies. Valoriser de nouvelles pratiques dites avancées pour les infirmières est dans l’air du temps ; mais le risque, si les professions déléguées font les petits gestes, est de réserver aux médecins les gestes longs et chers, ce qui va devenir ingérable.
Moderniser le statut de praticien hospitalier, c’est bien. Mais notre place de 1er en matière de qualité de soin a été amorcée par le Général de Gaulle, qui a fait revenir les médecins à l’Hôpital. Macron veut les en faire sortir… Le risque est clair ; au nom de la modernité, la remise en cause du plein-temps hospitalier. Un grand bond en arrière pour la santé…
... et de moyens
Sur le plan budgétaire, pousser l’ONDAM à 2,5 % et donc investir 400 millions d’euros supplémentaires par an, c'est trois fois rien. Dans ce plan, il n'y a pas les financements nécessaires… 4 000 assistants médicaux, sur 300 000 médecins, c'est une goutte d'eau. 400 médecins salariés en exercice partagés ville/hôpital dans les territoires prioritaires aussi. Le président met 400 millions par an pour les hôpitaux, alors que ceux-ci génèrent un milliard de déficit par an… Et qu’en est-il des personnels dans les hôpitaux, sujet qui n’est pas abordé ?
Finalement, au lieu d’un catalogue de 54 mesures, il eût été judicieux d’annoncer simultanément des réformes immédiates et une loi qui permette d’envisager une refonte complète de notre système de soin, au lieu de faire du neuf avec du vieux. En proposant aussi un mode de financement. Or, aucune proposition ne mobilise les gisements de moyens considérables de notre système de soins.
Ce plan Santé 2022 procède par affichage, mais comment va-t-on structurer, réaliser et financer ce qu’on affiche ? En outre, il fait planer deux risques : une étatisation rampante de la médecine qui se fera au détriment de la qualité du soin et la persistance d’un hospitalocentrisme forcené, qui ne permettra pas d’avancer, tant est indispensable le décloisonnement Ville-Hôpital.
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