Cet établissement devait permettre de lutter plus efficacement contre le Covid-19. Selon la présidente de la région Isabel Diaz Ayuzo, le projet allait « surprendre le monde » au même titre que certaines constructions ultra-rapides en Chine. En fait, cette nouvelle structure laisse perplexe les médecins espagnols eux-mêmes ! Quatre mois après son ouverture, moins de 150 lits sont occupés, et les problèmes s’accumulent.
Sans engager de nouveaux médecins ? Les professionnels qui travaillent dans l’hôpital Isabel Zendal viennent tous des autres hôpitaux de la région. D’abord de façon volontaire pendant le premier mois de fonctionnement. Ensuite (à cause du manque d’enthousiasme des intéressés), de façon obligatoire parmi les jeunes professionnels recrutés provisoirement en juin et juillet 2020 à la fin de leur spécialisation, ou même avant celle-ci.
C’est pourquoi, par exemple « le nombre des spécialistes pneumologues de l’hôpital de la Princesa, au centre de Madrid, a été réduit après plusieurs départs au Zendal et les gardes, pour ceux qui restent, se sont rallongées d’autant », affirme Rosa Vicente. La secrétaire du syndicat CSIT-Santé, ajoute : « l’équipe d’un autre hôpital de Madrid, le Clinico San Carlos, s’est organisée autrement ; chaque jour, un pneumologue différent se déplace au Zendal pour une garde de 24 heures ».
Et les soins ? Pour le Dr Carlos Morante, médecin urgentiste à l’Hôpital del Henares, dans la banlieue Est de la capitale espagnole, la logique reste douteuse. « Ce nouvel établissement ne reçoit que des patients Covid-19 qui ont d’abord été diagnostiqués dans un autre hôpital. Mais si l’état du malade s’aggrave, en cas d’embolie pulmonaire par exemple, il faut le transférer à nouveau dans un hôpital traditionnel pour pratiquer la fibrinolyse ; de même pour une bronchoscopie. Car le Zendal n’a pas de blocs chirurgicaux ! »
Stupeur parmi les acteurs de santé
L’étonnement du Dr José Luis Palancar, médecin de famille dans un centre de santé public de la capitale, résume l’incompréhension des professionnels face aux choix effectués par le gouvernement régional : « Pendant la première vague de la pandémie surtout, de mars à juin 2020, la médecine de proximité qui se pratique dans nos centres de Santé, répartis dans tous les quartiers de Madrid, a été complètement négligée. Plusieurs de mes collègues, touchés par le virus, ont dû s’absenter et n’ont pas été remplacés ! Car toute l’attention du gouvernement régional et les maigres fonds disponibles ont été dirigés vers la construction de cette structure hospitalière ».
Pour José Maria Molero, qui exerce depuis 23 ans dans un autre centre de santé de la capitale, cette « médecine de proximité » traîne justement depuis 2012 un manque de 20 % de ses effectifs en médecins de famille et en pédiatres… « Et la situation n’a fait que s’aggraver avec la pandémie ; pourtant 85 % des patients Covid n’ont pas besoin d’être hospitalisés et ce sont les médecins de famille de ces centres de Santé qui se chargent du suivi à domicile de leurs symptômes. »
De plus, « les structures hospitalières à Madrid, qui restent inutilisées ou ont tout simplement été abandonnées, sont nombreuses », rappelle Rosa Vicente ; et de citer la tour nº4 de l’hôpital Infanta Sofia, ou les bâtiments de l’ancien hôpital Puerta de Hierro, dont la surveillance coûte chaque année près de 800 000 euros au gouvernement régional. Il en va de même pour un secteur de 30 lits dans l’hôpital del Henares, où travaille le Dr Carlos Morante qui rappelle que « depuis 2012, près de 2000 lits d’hospitalisation ont été fermés dans la région de Madrid à cause des diminutions d’effectifs. »
De même, tous les centres d’urgence de quartiers à Madrid, actifs habituellement pendant la nuit — quand les centres de santé ne fonctionnent pas — sont fermés ; car leurs personnels, médecins en tête, ont dû remplacer les collègues des centres ouverts le jour. Ce qui entraîne une surcharge supplémentaire dans les services d’urgences hospitaliers.
Un nouvel hôpital, donc, ou une simple annexe commune des hôpitaux existant déjà ? Le Zendal, avec seulement 15 % de ses installations en service, quatre mois après son inauguration, cherche bien sûr à être utile… À la mi-mars, alors qu’à peine 4,5 % des Espagnols avaient été vaccinés contre le Covid-19, la décision a été prise de faire de cette nouvelle structure, dont la construction a coûté plus de 130 millions d’euros, le principal centre de vaccination de Madrid. Mais les doutes persistent : pour une personne âgée, aller par ses propres moyens jusqu’au Zendal — situé près de l’aéroport et mal desservi par les transports publics — pour se faire vacciner, n’a rien de rassurant.
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