TRIBUNE LIBRE

Médicaments, dispositifs médicaux : pour une véritable « police sanitaire »

Publié le 08/03/2012
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par Jean-Pierre Door*

LES AFFAIRES Mediator et PIP ont mis en évidence des failles dans notre système de sécurité sanitaire tant pour les médicaments que pour les dispositifs médicaux (DM). La loi du 29 décembre 2011 sur le « renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé » apporte une réponse immédiate aux problèmes les plus urgents. Cette réforme, saluée par les milieux professionnels et les associations de patients, représente la base d’une réflexion indispensable pour faire évoluer la sécurité des médicaments et des dispositifs médicaux tant au niveau européen qu’au niveau national dans l’intérêt des patients et des citoyens.

Les insuffisances du marquage CE.

Au niveau européen, la sécurité du médicament n’apparaît pas comme la priorité de l’EMA (Agence Européenne du Médicament) qui l’analyse au travers du rapport bénéfice risque, même si le signalement d’événements indésirables peut conduire à une réévaluation. Pour les dispositifs médicaux implantables, la directive européenne de 2007 est en cours de révision et devrait être publiée en 2012 : elle maintient la notion de marquage CE s’appuyant sur l’évaluation et les vérifications réalisées par des organismes notifiés désignés et accrédités par les États membres pour effectuer les procédures de conformité. Nombreux sont ceux qui soulignent les insuffisances inquiétantes du marquage CE et la pauvreté des preuves scientifiques apportées. Il n’existe pas d’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) comme pour les médicaments et Xavier Bertrand a raison de souhaiter sa mise en place pour les dispositifs médicaux.

En France, l’AFSSAPS, en charge de la pharmacovigilance et de la matériovigilance, devient l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et de Produits de Santé) et voit ses pouvoirs renforcés. Pour les médicaments, la loi instaure des sanctions financières pour les manquements des entreprises pharmaceutiques et met en place des bases de données administratives et scientifiques accessibles sur internet et préparées en coopération entre ANSM, HAS (Haute autorité de santé) et UNCAM (Union nationale des caisses d’assurance-maladie). Il devient possible de demander des études post-autorisation et les « médicaments nocifs » peuvent être suspendus. Les recommandations temporaires d’utilisation sont mieux encadrées. Lorsqu’il n’existe pas d’alternative appropriée, une spécialité pharmaceutique faisant l’objet d’une ATU peut dans certaines conditions être prescrite et utilisée dans une autre indication à condition qu’un avis ait été émis par l’HAS après consultation de l’ANSM.

Sanctions pénales et financières.

Des sanctions pénales peuvent être prises à l’égard des entreprises ne respectant pas les obligations en matière de pharmacovigilance. L’information, la publicité sur les médicaments à usage humain sont mieux encadrés de même que la visite médicale et l’information des professionnels. À l’issue de la réunion du conseil stratégique des industries de santé le 25 janvier, François Baroin a annoncé une campagne de sensibilisation aux risques liés à l’achat sur internet des médicaments, un des aspects du plan de lutte contre les contrefaçons présenté au conseil des ministres en septembre 2011.

Pour les dispositifs médicaux, le contrôle des spécifications techniques par l’ANSM est renforcé pour les dispositifs inscrits sur la LPPR (liste des produits et prestation remboursés) comme pour les dispositifs achetés par les établissements de santé qui peuvent être eux-mêmes passibles de sanctions financières s’ils achètent ou utilisent des DM en dehors de la liste. Le contrôle de la publicité pour les DM est renforcé sauf pour ceux présentant « un faible risque pour la santé humaine ».

L’Europe, à ce jour, n’apparaît pas prête à mettre en place de véritables structures capables d’évaluer la sécurité, l’efficacité, voire l’efficience des médicaments et des DM pour des raisons curieusement liées au système de remboursement variant selon les États alors que les patients, les maladies et les traitements sont les mêmes.....il nous faut donc réfléchir au niveau national.

Super agence ?

Se pose donc à nouveau la question d’une réorganisation des agences de santé dans notre pays sur laquelle le Parlement s’est penché. Voir apparaître une super-agence issue du rapprochement ou de la fusion partielle entre notamment l’ANSM et l’HAS est une possibilité qui se rapprocherait de ce qui existe aux États-Unis avec la FDA ou en Angleterre avec le NICE. Le risque serait de créer un mastodonte difficile à gérer. Une autre hypothèse serait d’individualiser clairement la sécurité au sein d’une structure qui posséderait de véritables pouvoirs de « police sanitaire » en renforçant les conditions de pharmacovigilance et de matériovigilance. Elle travaillerait en contact étroit avec les commissions de la HAS en charge de l’évaluation indépendante, scientifique et médicoéconomique des médicaments, des DM et des actes médicaux très souvent associés aux DM. Dans ces domaines, les échanges d’informations seraient officialisés par la loi. Ceci ne nuirait pas à la dimension « qualité » à laquelle tient beaucoup la HAS qui continuerait à exercer ses missions dans les domaines de la certification des hôpitaux, l’accréditation des médecins, les recommandations de bonnes pratiques et les fiches de bon usage...

D’autres regroupements seraient possibles en s’inspirant de ce qui a été fait en Grande-Bretagne où le nombre d’agences a été ramenée de 21 à 9 sans nuire à l’intérêt du patient mais avec un bénéfice évident pour le citoyen.

*Député UMP, rapporteur de la mission parlementaire sur le Mediator et la pharmacovigilance


Source : Le Quotidien du Médecin: 9095