Notre système de santé est « à bout de souffle » car « il rémunère la médecine libérale par acte, et il ne fait "que" de la tarification à l’activité à l’hôpital, même si on a commencé à la réduire ». Emmanuel Macron s'est employé à expliquer son programme et sa méthode en matière de santé, à la faveur d’une rencontre d'1h30 avec une vingtaine de soignants – médecins, infirmiers, aides-soignants, auxiliaires de vie, etc. – à Mulhouse, à laquelle a pu assister « Le Quotidien ».
Le président de la République sortant avait choisi de faire une halte au centre Alister (Association pour l’information scientifique et technique de rééducation). Spécialisé dans le champ de la rééducation et du handicap, il est situé en face de l'hôpital de Mulhouse. C’est aussi dans cette ville que le président de la République avait, en mars 2020, en plein cœur de la crise sanitaire, promis « un plan massif d'investissement » pour l'hôpital. Une forme de retour aux sources, donc, pour faire le service après-vente des réformes santé et ouvrir de nouvelles perspectives face à des soignants inquiets.
C’est donc volontairement ce lieu « symbolique de l’épidémie » que le candidat a choisi pour ce déplacement santé, a confié au « Quotidien » le Dr Jean Rottner (LR), médecin urgentiste, président du conseil régional du Grand Est depuis 2017. Celui qui a soutenu Valérie Pécresse au premier tour « soutiendra clairement Emmanuel Macron » pour faire barrage à la « régression » de Marine Le Pen. L’ancien maire de Mulhouse attendait toutefois du candidat Macron des engagements en faveur d'un « véritable Ségur de la Santé », plus « complet », pas uniquement tourné vers l’hôpital, mais aussi des avancées « sur le soin en général, la dépendance, le handicap ou la psychiatrie ».
Trois à quatre mois de concertation en vue
Emmanuel Macron a-t-il compris le message ? Après un bain de foule et des échanges toniques avec 200 à 300 personnes derrière les barrières – soignants inclus – le candidat s'est en tout cas employé à répondre aux questions des blouses blanches.
Assis à côté de l’un de ses référents santé, le Dr François Braun (urgentiste, président de Samu-Urgences France), Emmanuel Macron s’est d'abord fait le chantre d'une nouvelle démocratie sanitaire et d'une méthode moins verticale, plus territoriale. Pour réorganiser le système de santé, il faudra certes « mettre des moyens nationaux » mais aussi et surtout « laisser les gens s’organiser au niveau d’un territoire ».
La question de la rémunération n'a pas été éludée. Au yeux du chef de l'État, notre système « ne rémunère pas du tout la prévention » – Emmanuel Macron, avait pourtant déjà promis une « révolution » en la matière il y a cinq ans – et « incite à ne valoriser que le programmé, l’acte le plus complexe, et parfois à prendre en charge trop tardivement les pathologies ». Si Emmanuel Macron est réélu, il lancera une concertation de « trois à quatre mois » dans les territoires pour « prendre des décisions et rémunérer les professionnels de santé avec des objectifs de santé publique », en tenant compte des caractéristiques de la population sur un territoire donné. Toutes les parties prenantes devraient être associées à ce brainstorming sanitaire.
Libéraux et hospitaliers
D’après le chef de l'État en effet, les soignants, qu’ils soient libéraux ou hospitaliers, doivent participer à parts égales à la hausse de l’espérance de vie en bonne santé. Sur un bassin de vie, « quel que soit son statut » (public ou privé), on doit être « intéressé au même résultat, pour que l’on travaille tous pour que les gens vivent en bonne santé le plus longtemps possible », a souligné Emmanuel Macron persuadé que cette approche transversale, cassant les silos, rendrait le système « beaucoup plus intelligent que la seule rémunération par l’acte ». Dans le cadre de ces échanges, il a aussi jugé que la fin de l'obligation de garde des médecins libéraux n'avait sans doute pas été « la meilleure idée du monde ».
À ses côtés lors de ce déplacement, le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), Frédéric Valletoux, a confié au « Quotidien » avoir travaillé sur des sujets qui ont « alimenté sa réflexion ». Et d’ajouter que le Ségur n’était qu’une « première pierre », avant d’aller vers un « chantier d’ampleur » qui concernerait aussi bien l’hôpital, que la médecine de ville, le financement du système de santé ou la prévention.
Système trop centralisé
Interpellé par plusieurs soignants sur les problèmes chroniques d’attractivité de l’hôpital, le candidat a ensuite appelé à une « deuxième étape de l’engagement de Mulhouse ». Tirant les enseignants du Ségur de la santé de juillet 2020, Emmanuel Macron a estimé que l’attractivité n’était « pas seulement une question de rémunération », mais aussi une question « d’organisation du système et du sens que l’on redonne aux acteurs du terrain ». D’après lui, le système de santé est « beaucoup trop centralisé, trop homogénéisé ».
Là encore, il a suggéré une méthode beaucoup plus collégiale et horizontale pour prendre les décisions. Et de marteler ce même message pour l’hôpital. « On se donne des moyens, on bâtit des solutions au niveau national… mais on demande aux acteurs de terrain de s’en saisir et de choisir les bonnes options pour eux ». CQFD ?
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