« Osons la santé communautaire ! ». Alors que monde affronte une crise sanitaire inédite, c'est le cri du cœur d'un généraliste humaniste passionné par son métier et la politique.
Le Dr Didier Ménard, bientôt 70 ans, raconte dans un livre* militant son parcours atypique et sa pratique engagée de la médecine sociale au cœur de la cité populaire des Francs-Moisins, à Saint-Denis (93). C'est en 3e année de médecine que l'étudiant, qui peine à accepter « le rapide examen médical au pied des malades » à l'hôpital, découvre le militantisme au sein de groupuscules d’extrême gauche. Ce fils d’ouvrier a du mal à trouver sa place. En 1975, il décide d'arrêter ses études de médecine mais la réaction déçue d'une voisine agira comme un révélateur. « Alors, il n'y aura donc jamais de médecin de chez nous, des cités, pour nous soigner ? », lui lance-t-elle. Une claque pour le carabin qui ira jusqu'au bout.
Pendant son externat, il adhère au Syndicat de la médecine générale (SMG, qu'il présidera ensuite pendant des années), défenseur des « unités sanitaires de base », ancêtres des maisons de santé pluridisciplinaires. L'objectif est de proposer une organisation et une pratique en symbiose avec les besoins de la population locale, vulnérable et précaire, autour des valeurs d’accès aux soins pour tous. Intégrer la question sociale dans l'exercice médical et les projets thérapeutiques : ce fil rouge ne le quittera plus, installé en 1980 dans le quartier populaire du Franc-Moisin.
Le Dr Ménard ne s'arrête pas là. Il crée l'association communautaire santé bien-être (ACSBE), qui mise sur la coordination interpro et développe dans la cité la prévention, l'éducation et la médiation en santé. Puis il œuvre pour ouvrir en 2011 un centre de santé communautaire, La Place Santé, toujours « ouvert sur la cité », qui permet d'assurer la relève médicale dans le cadre d'un collectif.
Conservatisme
Pendant plus de trois décennies d'exercice, le médecin de famille s'est battu contre les inégalités sociales et territoriales de santé, cherchant à promouvoir cette santé communautaire au service des plus fragiles. Non sans difficulté, diagnostique-t-il, face au « conservatisme » d'un système libéral longtemps basé sur l'exercice en solo et le paiement exclusif à l'acte.
Mais les lignes bougent. Alors que le système de santé est mis à rude épreuve, l'actuel président de la Fédération des maisons et pôles de santé en Ile-de-France (FemasIF) salue le développement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), ces pools de libéraux invités à structurer les soins de ville à l'échelle de bassins de vie. « Rien n'est acquis », avertit le généraliste. « Il faut se méfier quand il y a une convergence entre une politique publique et les initiatives des professionnels », écrit-il, pointant le risque de voir « l'initiative phagocytée par l'institution ». Mais le généraliste délivre un message d'espoir. « La santé communautaire trace sa route. Et les jeunes soignants portent des valeurs de justice sociale ».
*« Pour une médecine sociale », Ed. Anne Carrière, octobre 2020, 176 pages, 17 euros.
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