Courrier des lecteurs

Pourquoi les médecins refusent les patients en CMU et AME ?

Publié le 15/06/2017
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Des associations ayant pignon sur rue ont stigmatisé il y a quelques mois de cela le comportement de certains confrères vis-à-vis des patients en CMU ou ALD. Pour ce faire, des testings téléphoniques ont été effectués, et ont permis de référencer les confrères qui refusent ces patients.

Au-delà du fait que tout praticien est en devoir de recevoir et soigner dans l’urgence un patient, nous devons soulever deux points importants qui peuvent expliquer ce comportement.

1) Tout d’abord, il est vrai que certains patients ayant la CMU ou l’AME ne respectent pas les confrères en n’honorant pas les rendez-vous fixés. Bien entendu, il est anormal de stigmatiser cette population (certains patients ayant la CMU sont très respectueux des rendez-vous), mais force est de constater qu’elle représente celle qui est la moins observante à ce niveau. Cette pratique a des conséquences moindres chez un généraliste qui perd 225 euros mais le spécialiste qui a prévu une plage plus importante de consultation pour effectuer des examens plus complexes avec des outils performants risque d’être grandement impacté financièrement par les lapins de ces patients.

Plusieurs études ont été effectuées pour essayer de trouver des solutions pour éviter ce manque à gagner, mais les praticiens restent sur leur faim…

2) Le problème des organismes sociaux en charge de ces patients. Souvent les patients ayant CMU ou AME présentent une attestation de droits, et n’ont pas de carte Vitale. La perte de carte Vitale est fréquente chez les patients vivant dans la rue, et ayant souvent une pathologie comportementale associée. En ce qui concerne ceux qui ont droit à l’AME, les organismes sociaux délivrent uniquement une carte de droits. D’ailleurs pour les assurés sociaux en AME, il est impossible de les retrouver sur ameli.fr. Cela est bizarre lorsqu’on sait qu’un fichier est établi par les centres sociaux qui les retrouvent pour rembourser les praticiens.

Aussi, lorsque le praticien effectue une consultation chez ces patients il doit rédiger une feuille de Sécurité sociale qu’il doit envoyer (des papiers en plus), et il se fera rembourser (si les feuilles ne sont pas perdues…) au bout de deux mois et demi. Quel agent de la Sécurité sociale accepterait de se faire rétribuer pour son travail au bout de deux mois ?

Le plus inique dans cette situation, c’est le fait que les praticiens compatissants (ils deviennent plus rares), et acceptant ces patients ayant juste une attestation papier reçoivent des lettres de la Sécurité sociale leur rappelant qu’il faut transmettre 75 % des consultations via la carte Vitale ; cela pour permettre une bonne « qualité » des soins.

Tout cela pour dire que la plupart des confrères acceptent les patients quelle que soit leur origine, et ne refusent pas d’effectuer une consultation pour des populations ayant CMU ou AME.

Cependant, ils attendent en retour un minimum de respect des organismes sociaux, et des patients.

Dr Pierre Frances, Banyuls-sur-Mer (66)

Source : Le Quotidien du médecin: 9589