C'est parfois plus simple de partir de (presque) rien. Quand le Dr Séverine Alran, chirurgien sénologue, a quitté l'Institut Curie pour le groupe hospitalier Saint-Joseph à Paris en 2017, le service de radiologie ne disposait plus de mammographe. À la fin de la même année, le « centre du sein » ouvrait ses portes.
Le choix du lieu n'est pas anodin. Le centre du sein est implanté dans le centre de santé Marie-Thérèse. C'est une vraie démarche du groupe hospitalier Saint-Joseph, qui croit aux centres de santé et en compte déjà trois. « Il y a dans le centre la notion d'une collaboration plus étroite entre les spécialités », observe Jean-Patrick La jonchère, le directeur du groupe hospitalier (lire l'entretien ci-contre). Pour le sein, le choix de la proximité correspondait aussi à la volonté d'humaniser le parcours des patientes.
« Tout s'est construit autour de l'acquisition d'un appareil performant d'imagerie, explique le Dr Séverine Alran. Dès le démarrage, le projet a mis autour de la table une équipe pluridisciplinaire : des gynécologues, des radiologues et des oncologues. L'idée s'est vite imposée de tout regrouper au même endroit, l'objectif étant de donner une réponse rapide en moins de 10 jours ».
Dédramatiser le cancer du sein
Le centre du sein partage l'accueil avec les consultations de médecine générale et de spécialités. « Il y a la volonté de dédramatiser le cancer du sein, explique Séverine Alran. C'est aujourd'hui une maladie comme une autre. La proximité avec la ville est importante, et quasiment tout se fait en ambulatoire. Seules les mastectomies nécessitent une courte hospitalisation ».
Le centre du sein veut démontrer qu'il est possible de conjuguer expertise et proximité avec la ville. Le projet a fédéré une équipe dynamique pluridisciplinaire à l'expertise universitaire reconnue, comptant aujourd'hui 5 chirurgiens sénologues, 4 radiologues, 5 oncologues, un radiothérapeute, 4 chirurgiens plasticiens, deux oncogénéticiens, un anatomopathologiste, une infirmière référente, un kiné, 3 psychologues sans oublier les 2 secrétaires médicales, et les manipulatrices radio.
L'équipe médicale fait la pari de techniques innovantes (cf encadré Magseed et repérage du ganglion sentinelle) et localisation extrahospitalière n'empêche pas non plus de mener de la recherche. Le centre du sein collabore notamment à un PHRC « DESSEIN » coordonné par l'Hôpital Européen Georges Pompidou sur l'accès aux soins dans 15 centres en Ile-de-France, à l'étude My BePS de l'Institut Gustave-Roussy sur la personnalisation du dépistage du cancer du sein ou encore au projet K-Dog de l'Institut Curie sur la détection du cancer du sein par odorologie canine.
« Le point fondamental, c'est qu'au-delà des compétences, tout le monde s'entend bien, souligne le Dr Philippe Levan, chef de service de chirurgie plastique. On s'appelle facilement au téléphone, tout est très simple ». À les voir tous rassemblés parlant chacun librement avec enthousiasme autour de la table, on a bien envie de les croire.
La tomosynthèse pour toutes
Le centre du sein s'est construit autour de l'appareil de tomosynthèse et de l'échographie. Le binôme radiologue/chirurgien est un socle avec « des box de consultation côte à côte », souligne le Dr Sophie Béranger, radiologue spécialiste des pathologies de la femme. « La tomosynthèse est proposée à toutes les femmes, explique le Dr Marie-Rose El Bejjani, radio-sénologue. Comme la mammographie 2D est encore la technique de référence dans les recommandations, des clichés sont faits systématiquement lors du même examen. La tomosynthèse est très utile pour l'interventionnel. ». L'équipe, qui est ouverte à l'innovation, a installé un logiciel néerlandais d'intelligence artificielle (Screenpoint) pour aider à la détection et à la caractérisation des lésions mammaires.
Tout est fait pour accompagner les femmes dans un parcours personnalisé et optimisé. « Mon rôle est autant technique que relationnel, explique Véronique, secrétaire médicale au centre du sein. C'est ici qu'a lieu le premier contact et que l'ensemble du parcours est coordonné avec la planification de tous les RDV pré et post opératoires : imagerie, repérage du ganglion sentinelle, bloc, kiné, radiothérapie, psychologue, etc. ».
La patiente repart du centre avec son programme de soins en mains et un livret explicatif reprenant en mots et en images les aspects chirurgicaux. « Ce livret a été co-construit avec les patientes, souligne Séverine Alran. On parle des complications, par exemple du lymphocèle, des ecchymoses, etc. Si la patiente est prévenue, les choses se passent tout de suite beaucoup mieux ». Chacun se sent concerné. « Ici l'accueil est extra, estime Sonia, manipulatrice radio. On rassure les femmes avec des sourires et des paroles, on leur explique les choses. Les femmes nous disent après la mammographie qu'elles pensaient avoir plus mal ».
Kiné en préopératoire
L'information des patientes fait l'objet d'une attention particulière. Après l'annonce du diagnostic, l'infirmière référente reprend avec la patiente ce qu'elle a compris, l'aide dans les démarches administratives, prépare le retour à domicile et met en lien avec les psychologues. « Je suis le premier relais en cas de problème, les patientes ont mon numéro de téléphone », indique Élizabeth, l'infirmière référente. Le centre du sein, qui est l'un des seuls à proposer de la kiné en préopératoire, a noué des partenariats avec les groupes associatifs Maison de la Vie (Siel Bleu - fondation Michelin) et des liens avec Rosa Mouv et Rose up, notamment pour la promotion d'une activité sportive et d'une nutrition équilibrée.
La chirurgie reconstructrice, en cas de mastectomie, est évoquée dès le début. « L'information est donnée précocement, explique Vlaire Fénoll. Il n'est pas rare de le faire le jour même de la consultation d'annonce. C'est tbeaucoup d'information mais cela donne de l'espoir avant même le geste mutilant ». Toutes les techniques de reconstructions mammaires sont proposées : implants prothétiques, lambeau autologue et lambeau libre requérant de la microchirurgie.