Rassuré par le lancement de plusieurs réformes structurelles, comme celle, emblématique, du Code du travail, qui n’ont pas déclenché une révolte populaire, le gouvernement a cru possible de s’attaquer au dinosaure ferroviaire et même d’aller très vite, en procédant, comme pour le Code du travail, par ordonnances.
La riposte syndicale est, au moins sur le papier, colossale. La grève, en réalité, n’est ni perlée, ni alternée. Elle va durer trois mois pendant lesquels les jours travaillés par les cheminots seront presque aussi chaotique au niveau des horaires et de la fréquence des trains que les jours chômés. L’impact de ce mouvement sur l’économie française, notamment le tourisme, sera très négatif et nous fera perdre une fraction du taux de croissance.
Les cheminots nous répètent qu’ils attendent une « convergence des luttes », c’est-à-dire l’agrégation des mécontentements qui équivaudrait à l’arrêt de travail de plusieurs secteurs économiques. Pourquoi pas un mai 2018 que tout inspire, la mémoire de mai 68, la diminution du pouvoir d’achat des retraités, et un soutien à la réforme qui flanche quand une catégorie professionnelle est touchée par ses effets ? Le gouvernement peut toujours espérer que les cheminots prennent leurs désirs pour des réalités. Les médias poussent des cris d’horreur devant la paralysie des transports, et ils insistent sur des mouvements disparates qui n’ont pas de cause commune, ce qui contribue, bien sûr, à l’inquiétude du public. En réalité, il est beaucoup trop tôt pour déceler une coagulation de toutes les colères sociales capables de déstabiliser le pouvoir. Personne n’y croit, pas même les partis politiques de l’opposition qui n’ignorent pas la solidité des institutions. Le pire qu’il puisse arriver, c’est que le président de la République renonce à la réforme, mais là encore, rien ne montre qu’il serait tenté par un abandon. De là à imaginer des élections anticipées induites par une dissolution de l’Assemblée, il y a un pas qu’on ne saurait franchir. Pour le moment, il s’agit d’une crise sociale, pas politique.
Tout dépend de l’opinion
Dans un premier temps, les pouvoirs publics ont toutefois amorcé un repli tactique. Si Guillaume Pépy, président de la SNCF, souligne de façon alarmiste les conséquences de la grève sur la vie professionnelle de millions de salariés, le gouvernement s’est hâté d’annoncer qu’il ne procèderait pas par ordonnances pour ce qui est de l’organisation de la concurrence à la fin de 2020. Mais il ne reviendra pas sur le statut des cheminots qui, à lui seul, rend très vulnérable la SNCF à la concurrence et il est décidé à le supprimer pour les nouvelles embauches.
La ministre des Transports, Elisabeth Borne, ne cache pas sa consternation : elle demeure convaincue que la négociation, jamais interrompue avec les syndicats, peut produire un compromis. Ne fût-ce que pour des raisons de communication, personne ne s’oppose par principe à la réforme et les syndicats reprochent principalement au gouvernement ses manières cavalières et autoritaires. Malheureusement, telle qu’elle est lancée, l’épreuve de force risque de conduire les parties à l’absolutisme et, si les syndicats pouvaient triompher, ce qui n’est pas sûr, ils seraient contents d’annoncer l’abandon pur et simple de la réforme.
Pour le moment, selon un sondage Elabe, seulement 43 % des Français sont hostiles à la grève et continuent de soutenir la réforme de la SNCF, mais ce pourcentage augmentera sans doute avec la lassitude et la colère des usagers dès cette semaine. En France, il n’y a pas de revendication sociale qui ne passe pas par la prise en otage des clientèles. On peut dénoncer l’arrogance d’Emmanuel Macron, on ne peut pas nier celle des syndicats qui ajoutent à une certaine violence une once d’hypocrisie quand ils prétendent servir les intérêts des usagers.
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