C'est à une refonte des règles du jeu qu'invite la Cour des comptes. Dans un rapport remis au Sénat, elle juge que l'imagerie médicale en France, spécialité dynamique et innovante, est « confrontée à des enjeux médicoéconomiques que les politiques de régulation actuelles ne permettent pas de traiter de façon satisfaisante ».
La Cour dénonce des « rentes de situation » liées aux montants des forfaits techniques et invite tout à la fois à une restructuration de la radiologie, à une amélioration de la pertinence des actes et à une revalorisation de l'offre hospitalière.
Taux d'équipement bas, déséquilibre privé/public
Selon le rapport, le taux d'équipement français – à la traîne parmi les pays développés – a fait l'objet de rattrapages insuffisants, qui ont davantage profité au secteur privé lucratif qu'aux établissements publics. Au 15 septembre 2015, la France comptait 812 IRM, 1 096 scanners, 121 TEP et 449 gamma caméras.
Le net déséquilibre public/privé est pointé du doigt. 75 % des 8 500 radiologues exercent en secteur privé, proportion qui tombe à 60 % pour les 700 médecins nucléaires. Les radiologues libéraux se trouvent surtout dans le Sud et en région parisienne, les hospitaliers se concentrant dans les CHU/CHR.
Surtout, près de 40 % des postes de PH à plein-temps sont vacants pour cette spécialité. Cette situation s'explique par un important différentiel de rémunération et par la contrainte de la PDS qui pèse sur les praticiens hospitaliers, « désorganise les plateaux techniques d'imagerie hospitalière sur de nombreux territoires », regrette le rapport.
Pour inverser la tendance et renforcer l'offre hospitalière, la Cour suggère de conditionner les autorisations d'activité en imagerie et leur renouvellement « à une participation des libéraux à la PDS en établissement, et à la mise en œuvre d'un partage effectif des données d'examen entre établissements publics et cabinets libéraux ».
40 % d'actes évitables
La pertinence des actes est un autre sujet majeur. De fait, le taux d'équipement en imagerie lourde varie fortement d'un département à l'autre, sans lien apparent avec les besoins de santé. L'archivage numérique des examens bute sur la question du partage des données en raison de problèmes d'interopérabilité entre les établissements. Résultat, la Cour estime à 40 % le nombre d'actes qui pourraient être évités !
Sur ces bases, le rapport invite à une restructuration de l'offre et à une mutualisation de l'accès aux plateaux techniques – en s'appuyant sur la mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT) prévus par la loi de santé. La Cour invite aussi les partenaires à mettre en place des systèmes d'information interopérables entre les établissements et la radiologie libérale.
Des tarifs à réviser
L'imagerie médicale représente près de six milliards d'euros de dépenses annuelles pour l'assurance-maladie (3,9 milliards en ville, 2 milliards à l'hôpital). Depuis 2007, des plans d'économie successifs ont permis de contenir les dépenses d'imagerie à un niveau inférieur à celui de l'ONDAM (objectif annuel de dépenses maladie), reconnaît la Cour.
Néanmoins, « des réallocations de dépenses sont nécessaires » pour financer l'accès aux examens innovants et coûteux, plaident les magistrats. La Cour invite à une révision des libellés et des tarifs des actes inscrits à la CCAM (classification commune des actes médicaux). Selon le rapport toujours, la base de détermination des forfaits techniques de la CNAM (40 % de dépenses en plus depuis 2010) n'a pas été revue, alors que « leur calcul reste fondé sur des données très discutables, comme la présence systématique de deux manipulateurs par examen », notent les Sages de la rue Cambon. Ces derniers jugent important de « revoir en priorité leurs montants ».
De son côté, la Haute Autorité de santé (HAS) pèche dans la définition de référentiels de bonne pratique en imagerie et la réalisation d'études médicoéconomiques. Le texte invite la HAS à diffuser ces documents, étape préalable à la mise en place d'actions de gestion du risque par le ministère, les ARS et l'Assurance-maladie.
Irréaliste pour la FNMR
Pour la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR), le nouvel effort réclamé par la Cour des comptes au secteur de l'imagerie (jusqu'à 460 millions d'euros d'économies supplémentaires selon l'hypothèse haute) est « irréaliste et inacceptable ». Ces efforts ont déjà été mis en œuvre ces dernières années, « à hauteur de 900 millions, avec comme conséquence des dizaines de cabinets libéraux de proximité fermés », rappelle la FNMR.
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