Cela s'appelle jouer avec le feu. On est en effet en droit de se poser la question de la sincérité des critiques : sont-elles uniquement dictées par l'émotion qu'a soulevée l'assassinat de quatre personnes, dont le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, qui s'est sacrifié pour sauver une otage ? Ou résultent-elles d'un calcul politicien destiné à affaiblir le gouvernement ? Contrairement à ce qui est trop souvement communément admis, une vaste campagne de répression ne serait ni facile à entreprendre ni efficace. Frédéric Péchenard, actuel vice-président LR de la région Île-de-France et ancien directeur de la police nationale, ne croit pas du tout à une riposte qui reposerait sur l'arrestation de 20 000 personnes. Car c'est le nombre des fichiers S. Il est également hostile à l'état d'urgence. Il affirme que les personnes « qui vont passer à l'acte sont parfaitement identifiées ». Il demande des mesures « plus efficaces et moins spectaculaires », comme les perquisitions administratives et le renforcement du renseignement pénitentiaire.
Quand Laurent Wauquiez, président des Républicains, dénonce à la fois « la barbarie et la bestialité » du djihadisme et la « naïveté coupable » d'Emmanuel Macron, il ne nous explique pas avec quels moyens il procèderait à l'arrestation et à la détention de 20 000 personnes. Il ne nous décrit pas les conséquences économiques et sociales d'une telle procédure. Il ne nous garantit pas que, après une action de cette envergure, nous pourrons vivre en pleine sécurité : beaucoup d'attentats sont commis par des terroristes non fichés. Mais le vrai problème se situe au niveau de l'exercice de la démocratie. Nous ne prendrions pas des mesures aussi radicales sans commettre des bavures, sans dériver vers l'injustice, sans réduire les droits essentiels garantis par la Constitution.
On n'est certes pas surpris de voir M. Wauquiez courir vers l'arbitraire. Il s'y complaît parce qu'il croit y trouver une alternative crédible au macronisme. Il devrait néanmoins se sentir gêné aux entournures car ce qu'il demande correspond exactement aux vœux exprimés par le Front national avec lequel il affirme n'avoir rien en commun. Si LR et le FN (Marine Le Pen réclame la démission de Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur) se sont précipités sur les attentats de Carcassonne sans attendre que le pays fasse son deuil, c'est bien sûr parce que leurs propositions fallacieuses risquaient d'avoir moins d'impact dans un contexte apaisé. Il y a nécessairement un lien entre un discours politique enflammé et les passions populaires. Le premier est la musique que les secondes souhaitent entendre.
Question simple : la sécurité des gens
La question essentielle, c'est la sécurité des gens. La tragédie de la semaine dernière était encore plus choquante que d'habitude parce qu'un haut gradé de la gendarmerie y a laissé la vie et aussi, comme le déploraient les habitants de Trèbes, parce qu'ils habitent un bourg que jamais ils n'auraient imaginé soumis à de telles scènes de violence. Nous sommes tous exaspérés. Nous ne nourrissons pas une once de sympathie pour ces assassins qui croient échapper à leur destin d'imbéciles en tuant des innocents. Et, bien entendu, nous avons tous pensé que si nos services de sécurité établissent un fichier de ces individus particulièrement dangereux, ils doivent les neutraliser. Même Manuel Valls, qui n'a pas accepté la rétention administrative quand il était Premier ministre, pense qu'il faut durcir la répression.
Quand le gouvernement a mis un terme à l'état d'urgence (qu'il a remplacé par une nouvelle loi anti-terroriste), tout le monde disait que l'état d'urgence, comme son nom l'indique, ne peut pas durer indéfiniment. Quand on nous a expliqué pourquoi le fichier S n'entraînait pas automatiquement l'arrestation du fiché, nous avons compris que la société où nous vivons doit établir un équilibre entre le maintien des droits individuels et la sécurité. Si, aujourd'hui, deux partis politiques reviennent à la charge sur un sujet qui a été amplement approfondi et pour lequel des solutions, bonnes ou discutables, ont été apportées, à quoi cela sert-il de proposer ce qui a déjà été fait et n'a pas diminué le nombre d'attentats ? La crise sécuritaire mérite mieux que le retour de la rafle en France.
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