Réformes, élections partielles, Corse

Un moment de désenchantement

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Publié le 08/02/2018
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Emmanuel Macron a touché la limite de l'« en même temps ». Prenons un seul cas, celui de la Corse. Mardi, le chef de l'Etat y a commémoré l'assassinat du préfet Claude Erignac il y a vingt ans. Le soir, il dialoguait avec le président indépendantiste de la collectivité territoriale, Jean-Guy Talamoni et avec le président nationaliste de l'Assemblée corse, Gilles Siméoni. Les deux élus dominent la politique dans l'île de Beauté. Ils sont soutenus par une forte majorité. Mais qui, en France, peut oublier le crime insensé qui a été commis en 1998 ? La capacité du président à faire le grand écart politique est poussée, dans cette affaire, jusqu'au seuil de rupture.

De la même manière, le pouvoir ne peut pas ignorer le résultat des deux élections partielles de dimancher dernier, qui ont permis aux Républicains de gagner deux sièges à l'Assemblée et  semblent indiquer une désaffection de l'électorat qui a accordé à M. Macron une majorité massive. Au moment où les inondations mettent à l'épreuve une bonne partie de nos concitoyens, les feuilles de paie de janvier ont démontré la baisse du pouvoir d'achat des retraités. L'élan qui a permis au gouvernement de lancer ses réformes du second semestre semble avoir perdu de son énergie cinétique, s'il n'a pas disparu. Or le plan de réformes (ou de transformation, comme l'énonce le pouvoir) commence à peine à être appliqué. Un sondage Louis Harris Interactive montre que quatre Français sur cinq approuvent le projet de réforme constitutionnelle, celui dont le Sénat, présidé par le LR Gérard Larcher, conteste plusieurs propositions du gouvernement.

Mais, si les Français soutiennent l'idée de réduire le nombre d'élus, ils ne vont pas approuver chaleureusement la réforme des retraites, de même que celle de l'éducation, proposée par le ministre, Jean-Michel Blanquer, donnera lieu à des batailles homériques avec les syndicats. M. Macon et son Premier ministre, Edouard Philippe, ne doivent pas croire que la chance qui leur a souri pendant plus de six mois est inépuisable. Ils ont tendance à se féliciter de leur méthode, parce qu'elle a donné de bons résultats jusqu'à présent, mais ils seraient mal inspirés s'ils considéraient comme acquis le soutien de l'opinion dans les mois à venir, qui, en réalité, seront les plus difficiles du quinquennat.

Propos discordants

D'autant que, en dépit des mesures de contrôle et même de mise au pas des députés de la République en marche et des ministres, les propos discordants se multiplient. C'est la ministre de la Culture qui demande la peau du directeur de Radio-France et pèse ainsi sur la décision du Conseil suprérieur de l'audiovisuel ; c'est la ministre de la Justice qui semble avoir été dépassée, pendant quelques jours au moins, par la grève des gardiens de prisons ; c'est la secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les hommes et les femmes qui s'empare d'un fait-divers pour dénoncer la défense du suspect. Mais le plus grave, peut-être, réside dans l'apparente incohérence des mesures adoptées et rarement placées dans le contexte d'un projet global.

Le gouvernement, en effet, pratique l'équilibrisme. Il doit tenir les cordons de la bourse, condition indispensable à sa crédibilité européenne au moment où, aux yeux de nos partenaires, M. Macron fait figure de leader de l'Union. Mais il doit aussi ne pas pénaliser des pans entiers de la population par des décisions qui réduisent leur pouvoir d'achat. Or ce n'est pas la gauche qui a pris deux sièges aux marcheurs, c'est la droite. Ce qui a fait la force de M. Macron jusqu'à présent, c'est que l'électorat de droite approuvait des mesures dans lesquelles il se reconnaissait. C'est cet électorat que le président doit conserver s'il veut aller au bout de son projet.

 

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9638