De la « médecine de parcours » au « parcours de soins »

Une convention pour renforcer le rôle du médecin traitant

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Publié le 14/11/2016
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La nouvelle convention va-t-elle permettre d’améliorer le parcours de soins du patient ? La question suscite des réactions pour le moins divergentes chez les syndicats médicaux.

« Cette convention est incontestablement favorable aux généralistes et va fortifier la place du médecin traitant au sein du parcours. Une innovation importante est aussi la mise en place du traitant pour les enfants », indique le Dr Gilles Urbejtel, trésorier du syndicat MG-France, signataire de la convention. « Le texte ne va pas changer grand-chose au parcours. Par exemple, rien n’est vraiment fait pour empêcher les patients de se précipiter aux urgences hospitalières pour des choses qui n’en valent pas la peine », indique le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF, également signataire. « La convention n’apporte aucune mesure véritablement structurante sur le parcours », estime enfin le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, non-signataire.

Cette convention 2016 ne touche pas aux grands équilibres de la loi de 2005 qui a instauré le médecin traitant et a consacré son rôle dans l’offre de soins de premier recours. « Ses missions couvrent à la fois le diagnostic, le traitement, la prévention, le dépistage, le suivi au long cours mais également l’orientation des patients, selon leurs besoins, dans le système de soins, la coordination des soins et la centralisation des informations émanant des professionnels intervenant dans le cadre du parcours de soins », indique le texte conventionnel.

Exit le forfait médecin traitant et la MPA, place au « forfait patientèle »

L’objectif est de mieux coordonner le parcours, en « passant d’un système encore trop cloisonné à une médecine de parcours et de proximité », organisée autour du patient et coordonnée par le médecin traitant en lien avec les différents spécialistes correspondants. « Cette évolution est nécessaire pour prendre en charge des patients en moyenne plus âgés et atteints d’affections plus longues. Elle doit aussi permettre d’améliorer les conditions d’exercice des médecins et répondre au besoin de garantir une plus grande attractivité de l’exercice libéral, notamment auprès des jeunes médecins », indique le texte. La valorisation du médecin traitant passe d’abord par la mise en place du « forfait patientèle » destiné à rémunérer le praticien pour le temps passé à coordonner les prises en charge et tenir à jour les dossiers médicaux. « Cela vient remplacer le forfait médecin traitant qui était de 40 euros par an pour chaque patient en ALD et de 5 euros pour les autres », précise le Dr Urbjetel. Cela remplace aussi la majoration pour personnes âgées (MPA).

Ce forfait patientèle doit entrer en vigueur au 1er janvier 2018 et sera indexé en fonction de l’âge du patient et de la complexité de la prise en charge. Le médecin traitant touchera 6 euros pour les enfants de 0 à 6 ans, 42 euros pour les patients de 80 ans et plus et pour les patients de moins de 80 ans mais en ALD. Il percevra 70 euros pour les patients de plus de 80 ans et en ALD. Enfin, pour tous les autres, le forfait annuel sera de 5 euros. À noter que les complémentaires santé seront sollicitées pour assurer le financement de ce forfait patientèle.

Pour valoriser le rôle du spécialiste correspondant, la convention prévoit d’augmenter de 2 euros (de 28 à 30 euros) la majoration perçue par le spécialiste qui reçoit un patient adressé par le médecin traitant. Pour un avis ponctuel, le spécialiste verra aussi le C2 revalorisé : il passera de 46 à 48 euros au 1er octobre 2017 puis à 50 euros au 1er juin 2018.

Pour favoriser une prise en charge rapide et éviter le recours à l’hôpital, le texte instaure une majoration lorsque le spécialiste correspondant reçoit dans les 48 heures un patient adressé par le médecin traitant. À compter du 1er janvier 2018, le spécialiste correspondant touchera 15 euros et le médecin traitant 5 euros.

Pour le Dr Gilles Urbjetel, cette convention, en faisant passer la consultation des généralistes de 23 à 25 euros au 1er mai 2017, met clairement en exergue l’importance du rôle du médecin traitant. « Jusque-là, dans les précédentes conventions, c’était deux-tiers pour les spécialistes et un tiers pour les généralistes. Cette fois-ci, c’est l’inverse », se félicite-il.

Un satisfecit qui agace le Dr Ortiz. « Il est abusif de dire que le C passe à 25 euros. Il reste à 23 euros avec simplement une majoration de 2 euros. Il s’agit d’une revalorisation un peu artificielle dont vont être privés les généralistes en secteur II, indique le président de la CSMF. Il s’agit d’une convention à l’ancienne qui ne permettra en rien d’améliorer la coordination du parcours de soins », ajoute-t-il.

Du côté des usagers, l’avis est assez prudent. « Il est difficile de savoir l’impact que va avoir cette convention sur le parcours de soins. Le problème est que le texte fait encore du paiement à l’acte le pilier de la rémunération des médecins, ce qui ne favorise pas une médecine de parcours. Sans supprimer totalement le paiement à l’acte, il faudrait développer de manière plus forte la rémunération au forfait », estime Magali Léo, chargée de mission au Collectif inter-associatif sur la santé (CISS).

Antoine Dalat

Source : Le Quotidien du médecin: 9534