Une énième proposition de loi veut obliger les jeunes médecins à exercer dans un désert, tollé médical

Par
Publié le 18/11/2021

Crédit photo : S.Toubon

Ce vendredi 19 novembre, une proposition de loi cosignée par une quarantaine de parlementaires pour lutter contre les déserts médicaux sera déposée à l'Assemblée nationale par le député centriste Thierry Benoit (Ille-et-Vilaine). Le texte prévoit d'obliger les jeunes médecins à exercer pendant trois ans après l'obtention de leur diplôme dans une zone sous-dotée.

Il conditionne également le conventionnement d'un médecin libéral dans une zone surdotée au départ à la retraite d'un autre médecin, comme c'est déjà le cas depuis quinze ans pour les infirmières libérales. Il rend également obligatoire le stage en zone sous-dotée pour « parfaire la connaissance des étudiants en médecine des particularités de ces territoires » . Et il impose à tout praticien installé, qui quitterait un territoire sous-doté, de poser un préavis d'un an pour laisser aux autorités « le temps nécessaire pour s'organiser »…

Urgence à réguler la médecine libérale

Ces députés veulent enfin rendre public le nombre de médecins formés par département et demandent la révision tous les ans des zonages effectués par l'Agence régionale de santé (ARS) ainsi que leur accessibilité à chaque citoyen.

Des mesures qualifiées « d'urgence absolue » par le député de la Mayenne Yannick Favennec (UDI et indépendants).

Interrogé dans « Ouest-France », Thierry Benoît estime qu'il y a « péril » pour justifier ces mesures coercitives fortes. « Depuis 15 ans, tous les ministres de la Santé ont proposé des mesures incitatives pour faire venir des médecins dans des déserts médicaux : défiscalisation, prime à l’installation, télémédecine, maison de santé pluridisciplinaire, communauté hospitalière de territoire, déclare-t-il. Tout a été fait… tout. Mais ça ne suffit pas Il faut un changement radical. Ils ne pourront pas s’installer où ils veulent. Ils iront travailler là où il y a des besoins. »

« Des études financées par l'argent public »

Quant à la liberté d'installation des médecins, le député breton considère que « la médecine est libérale mais doit être régulée ». « Les études de médecine sont financées par l’argent public, le remboursement des consultations est assuré par la Sécurité sociale qui est abondée par les cotisations sociales des citoyens », justifie-t-il.

Dans un communiqué, son collègue mayennais souligne que « l'accès aux soins devra être un thème majeur des prochaines campagnes présidentielles et législatives » et que la « protection de la santé est un principe républicain ». Il appelle « les habitants et les élus qui le peuvent à se mobiliser en vue de la manifestation du 4 décembre » pour l'hôpital public à Paris. 

Mesures « dangereuses »

La proposition de loi a aussitôt déclenché la colère des internes et jeunes médecins, et de leurs représentants, principaux concernés, sur les réseaux sociaux. Ces derniers avaient déjà été échaudés par une mesure introduite par le Sénat dans le projet de loi de finances de la Sécu (PLFSS) pour 2022, et qui impose un remplacement de six mois dans une zone sous-dense (ou le salariat dans un secteur fragile) avant de pouvoir être conventionné.

L'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) a réagi en qualifiant ces mesures, qui ont prouvé leur échec à l'étranger, de « dangereuses ».

Pas des salariés !

La proposition de loi, avant même d'avoir été déposée, a également suscité la réaction courroucée de l'UFML qui démonte, point par point, l'argumentaire des députés. Le syndicat rappelle que « l'État ne paie pas plus les études des médecins que celle des autres professions » et que « les médecins sont déjà allés travailler plusieurs années en zones sous-dotées au cours de leur cursus, pour assurer la survie des hôpitaux périphériques »« Les médecins qui choisissent la médecine libérale le font en conscience, ajoute-t-il. C'est un choix de vie. Ils ne sont ni les salariés de l'Etat, ni ceux de l'Assurance-maladie, ni les petits personnels de responsables politiques en mal d'électeurs ».

Sur Twitter, d'autres ont listé une série de contre-propositions sous le #UneIdéePourUnDésert, pour « éclairer ceux qui ne jurent que par la contrainte des médecins eux-mêmes ».


Source : lequotidiendumedecin.fr