TRENTE MILLE livres, soit environ 38 000 euros : voilà Outre-Manche le montant maximal de dépenses de santé jugé acceptable pour prolonger d’un an la vie d’un patient. Ce seuil a été fixé par le « National institute for health and clinical excellence » (NICE), l’équivalent britannique de la Haute autorité de santé (HAS). Son directeur, Sir Andrew Dillon, s’en explique : « On essaye de concilier solidarité et responsabilité. Ce budget, c’est un deal, une sorte de contrat social ».
Est-ce à dire que les soins dispensés par le NHS (National health service) ne peuvent dépasser ce plafond ? Pas exactement. « Il n’y a pas de limite formelle en termes de rapport coût/efficacité. Il y a quelques années, un traitement pour la leucémie a été accepté, dont le rapport était de 50 000 livres ». La question soulevée est morale autant que subjective. « Beaucoup de traitements nouveaux coûtent cher et améliorent la vie de très peu, reprend Andrew Dillon. Dans le cadre de NICE, on essaie d’établir qui sont les patients éligibles. On utilise des analyses économiques pour aider les comités consultatifs à décider ce qui est raisonnable pour le NHS. C’est quelque chose de très honnête. Le jugement de valeur est rendu transparent ».
Corporatismes.
La France aussi fait ses choix, en privilégiant le remboursement des maladies chroniques au détriment des soins courants (optique, dentaire). Mais sans le dire. L’heure de la transparence n’a pas sonné, et la question du coût de la vie reste taboue. « On juge la performance d’un médicament ou d’un dispositif médical de façon à en fixer le prix. Les critères coût/efficacité, en revanche, ne sont jamais utilisés », regrette le Pr Jean-Luc Harousseau, président de la HAS. Qu’il s’agisse du nombre de lits dans les hôpitaux, du nombre de pharmacies, d’étudiants en médecine, « aujourd’hui, tout est pourtant rationné », observe l’économiste Jean de Kervasdoué. Malgré ce constat, « les Français continuent avec cette illusion que le rationnement n’existe pas ». « Le débat sur les arbitrages est très peu démocratique, enchaîne Benoît Péricard, associé KPMG et ancien directeur d’ARH. Il est confisqué par les professeurs de CHU, les corporatismes, la technocratie ».
La LFSS de 2008 a confié à la HAS une mission d’évaluation économique du médicament. « On ne sait pas comment on va faire, confesse le Pr Harousseau. Faut-il aller plus loin, et faire une étude coût/utilité ? En France, on n’y est pas prêt. Nous ne sommes prêts à la perte de chance, pas prêts à fixer un coût à la vie ».
* CHAM est un événement co organisé par le cercle santé société, que préside Guy Vallancien, et Europ assistance. Les différentes tables-rondes ont été filmées, et seront bientôt disponibles sur le site www.canalcham.fr
Après deux burn-out, une chirurgienne décide de retourner la situation
La méthode de la Mutualité pour stopper 2,4 milliards d’euros de fraude sociale
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
À la mémoire de notre consœur et amie