« Nous avions jusqu’ici une compréhension générale de la façon dont fonctionne le poliovirus modifié, mais il nous restait à préciser en détail son mécanisme d’action », explique le Dr Matthias Gromeier, MD, professeur de neurochirurgie à l’université médicale de Duke (Caroline du Nord) qui a développé la thérapie. Ceci est extrêmement important. En connaissant les étapes qui sont à l’origine de la réponse immunitaire, nous pouvons maintenant décider de façon rationnelle si d'autres thérapies peuvent être intéressantes à associer au poliovirus afin d’améliorer la survie des patients. »
Le glioblastome, ou astrocytome de grade IV, est le cancer du cerveau le plus agressif. En dépit d’un traitement par exérèse et association de radiothérapie et temozolamide, ce cancer souvent hétérogène récidive et devient réfractaire aux traitements ; la médiane de survie est de 15 mois et la survie à 5 ans est en deçà de 10 %.
Les récentes avancées laissent toutefois espérer des progrès thérapeutiques. Plus de 80 traitements expérimentaux, incluant vaccins, thérapie génique et anticorps monoclonaux, sont évalués dans des essais cliniques.
Évaluation prioritaire
Une approche prometteuse évaluée dans un essai de phase 1 pour traiter le redoutable glioblastome récurrent repose sur l’injection intratumorale d’un poliovirus modifié (PVSRIPO). Compte de ses résultats, la Food and Drug Administration (FDA) lui a accordé, en mai 2016, le statut d’évaluation prioritaire. Les derniers résultats en février 2017 portaient sur 52 patients traités pour un glioblastome récurrent : l’immunothérapie se montrait sûre et 21 % des patients restaient en vie 3 ans après l’infusion du poliovirus modifié, comparé à un taux témoin historique de 4 %.
Étant donné que le cancer prolifère dans un micro-environnement immunosuppresseur, le but de cette immunothérapie est de réactiver les défenses immunitaires. Le poliovirus est modifié génétiquement pour que le segment causant la paralysie soit remplacé par un bout de rhinovirus (le virus causant le rhume) ; le polio-rhinovirus créé (PSVRIPO) s’accroche à un récepteur des cellules cancéreuses (CD155, une molécule d’adhésion oncofœtale et antigène tumoral) et libère des toxines qui tuent les cellules cancéreuses infectées.
Lignées cellulaires
L’équipe de l’université de Duke, dirigée par les Prs Gromeier et Smita Nair, a élucidé plus précisément le mécanisme d’action. En utilisant des lignées cellulaires de cancer du sein et de mélanome humain, puis en validant les résultats sur des modèles murins, les chercheurs ont constaté que le poliovirus modifié s’accroche d’abord aux cellules malignes, dont la surface abonde en récepteur CD155, le récepteur du poliovirus. Le virus modifié attaque alors les cellules tumorales, en tuant directement un grand nombre d’entre elles mais pas toutes ; ceci libère des antigènes (des motifs moléculaires associés aux pathogènes - PAMP) qui stimulent une réponse inflammatoire innée au sein du micro-environnement tumoral. L’infection non létale des cellules présentatrices d’antigènes, telles que les cellules dendritiques et les macrophages, active alors une puissante réponse interféron de type 1 et favorise le développement d’une réponse des cellules T cytotoxiques dirigée spécifiquement contre les cellules tumorales. « Non seulement le poliovirus tue les cellules tumorales, mais il infecte également les cellules présentatrices d'antigène, ce qui leur permet d’agir de telle sorte qu'elles peuvent déclencher une réponse des cellules T capable de reconnaître et d’infiltrer la tumeur, explique le Pr Nair. C'est un résultat encourageant car cela signifie que le poliovirus stimule une réponse inflammatoire innée. »
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